Quelque part entre Bamako et Sikasso, janvier 2004
Surtout, ne pas vomir. J’ai l’estomac plutôt solide d’habitude, mais là, c’est trop. Un mec vient d’entrer dans le bus, brandissant fièrement une pièce de viande (pas emballée, vous l’aurez deviné) suspendue à une corde. Le car est bondé (on a d’ailleurs dû attendre qu’il soit plein avant de quitter la capitale, soit une bonne heure après le départ prévu), on mijote à feu doux dans notre jus, et voilà qu’il vient balancer sa pièce sanguinolente sous mon nez. Note soulignée trois fois dans mon carnet : instaurer le trafic de Febreeze en Afrique de l’ouest.
Histoire de me changer les idées, j’entonne mentalement les premières chansons qui me viennent à l’esprit (un vieux truc). N’importe quoi. Pourvu que mon esprit s’éloigne de ce four nauséabond. Pot-pourri kitsch qui en dit long sur mon état : « Pris en flagrant déliiiit de tendresssse… » ; « Na-na-na-na je veux lui offrir ma vie, mais il ne veut pas de ma viiiiiie… » ; « Y avait un vieux dans l’ bas du fleuve, avec une terre de trente arpents »… N’importe quoi, j’ai dit.
Nous sommes à mi-chemin. Ma chemise blanche est noire, chacun de mes orifices (enfin, vous avez compris) est rempli de sable et je me demande encore dans quel état je vais arriver Sikasso (calcinée ou al dente ?).
Mon voisin pue du cul. Je le sais : il s’est levé de son siège tout à l’heure et l’odeur est restée bien imprégnée sur la banquette en simili-cuir. « C’était un vieux dans l’bas du fleeeeeuve »…
Pause bouffe. Je sors du bus. Un homme s’empresse de m’offrir du mouton-oignons avec supplément de mouches. Je me rappelle soudainement Ouaga, son grand marché, ses viandes aux odeurs pestilentielles et ses bestioles volantes… Ça, c’est le côté de l’Afrique qui me plaît un peu moins. Et pourtant, en y repensant, je me dis que l’Afrique ne serait pas l’Afrique sans tout ça.
Nous roulons depuis plus de cinq heures. J’exagère à peine si je dis que les taxis « sept places » sénégalais et les taxi verts de Ouaga respirent le luxe à côté de ce bus aux bancs mal fixés qui fait « squik-squik » et pollue à qui mieux mieux.
J’arrive à bon port presque huit heures après avoir pris place dans ce cercueil roulant. Une petite balade qui m’aura coûtée 10 $ CDN au total. Pour le retour, j’ai pris mes précautions : j’ai acheté deux places !
(Extrait de mon journal de bord Sénégal-Mali, décembre-janvier 2003-2004)
5 Commentaires
tu exagère avec tes goûts de luxe, le Mali n’est pas comme tu le décrit. si cela est ironique: bien joué!
les cars bamako-sikasso partent toutes les heures qu’ils soient pleins ou pas! c’est vrai que le Mali est l’un des pays les plus pauvres du monde économiquement mais humainement c’est bien autre chose que la France!!! j’espère que ce que tu as décrit était pour rire sinon tu gâtes l’image de ce beau pays et de ses habitants.
@dembélé: Bonjour! 🙂 On a pas dû prendre les mêmes cars… J’ai adoré le Mali! (Et je ne vis pas en France, mais au Québec.)
Il ya tout de mem pas mal de bus de luxe ke vous auriez pu prendre jusqu’a Sikasso!!! ou bien louer une voiture et faire le deplacement tres solitaire et sans odeurs deplaisantes, ou bien?…je suis malien mais je vis aux usa, j’avoue ke le bus ici de DC a NY n’est pas terrible non plus…lol, a part ca j’espere ke vous avaez profiter bien de votre sejour a Sikasso, avec son verger de fruits, ses sites historiques …etc…take care!
[…] Mais bon, rien ne sera jamais pire que le mec avec sa viande qui pendouillait au bout d’une corde dans un bus du Mali, à au moins 35 […]
[…] Au retour, j’ai acheté deux places. (J’ai raconté l’anecdote ici.) […]