Je l’ai souvent dit: c’est dans le mouvement que j’arrive à m’arrêter vraiment. Rien de tel qu’un voyage en bus, en bateau ou en train pour me «poser». Regarder la vie qui défile par la fenêtre alors que la mienne est entre parenthèses m’apporte un immense sentiment de paix. Moi qui bouge sans arrêt, je me laisse porter, enfin. Je cesse de lutter. Je déclare forfait contre le temps qui file. Alors que pour d’autres, il s’étire interminablement, pour moi, il se dissout dans le moment présent. Ces heures passés dans les transports passent à la vitesse de l’éclair, que le trajet dure 30 minutes ou 100 ans. Je passe de fast forward à play et laisse jouer la musique.
J’aime voir monter les gens à bord. Découvrir ces inconnus avec qui je partagerai quelques heures, probablement la seule chose que nous aurons en commun. Puis, à travers l’océan de visages, en reconnaître un. Un jour. Comme ça. Pour rien. Parce qu’il le fallait.
J’aime être vraiment nulle part. Dans le twilight zone des points A et B. Fixer l’horizon. Avaler le paysage. Le déformer dans ma tête, par la suite, quand le contour des immeubles sera devenu flou, que le vert des rizières s’atténuera dans le brouillard des souvenirs, que mes lunettes roses auront falsifié quelques détails, quelques lieux, quelques émotions.
Voyager, c’est écrire avec des mots qu’on ne connaît pas. Inventer son propre langage. Accepter qu’on sera peut-être le seul à le parler, mais tout faire pour pouvoir le partager.
J’aime être là, c’est tout. Ouvrir grand les yeux et en prendre plein la gueule.
13 Commentaires
J’aime beaucup les vidéos,
mais ton texte m’a jetée à terre.
C’est tellement ÇA !
🙂
Merci! 🙂 J’aurais aussi pu ajouter que c’est dans ces moments-là qu’une furieuse envie d’écrire me prend. Ça devient une urgence. Et ça fait un bien fou!
Je partage tout à fait ton point de vue aussi sur le bonheur de vivre le moment présent quand tu es en déplacement… Ce bonheur est encore plus grand pour moi en train.
Je dois cependant avouer que je n’ai pas la même candeur quand je voyage avec bébé… toujours un peu stressée qu’elle dérange… et ça c’est pas bon pour la zénitude…
Mais quand bébé dort, on apprécie encore plus! 😉
oh yeah!
J’aime beaucoup ce petit texte. Je me retrouve pleinement dans ta façon de vivre le voyage.
Étrangement, oui: c’est dans le déplacement, dans l’ailleurs, dans le loin de tout et le nulle part, que je me “pose” le mieux, que le temps se dissout, que vient l’apaisement… Avec la sensation grisante d’être plus vivante que jamais.
😉
C’est beau. Ça frissonne.
Merci Christine! 🙂
azul fellawen de la kabylie terre des poetes . merci pour le texte, ca donne envie d’ecrire au autre c’est plutot l’expression d’une plus en quette de liberté et de passion . je suis d’une culture qui a la tradition orale de la litterature.
Ton texte m’inspire ce matin… merci de l’avoir “re-publié” sur FB 🙂
Oh mais oui c’est tellement ça! Très beau texte Marie-Julie! On s’arrête enfin de courir dans tous les sens, pas une seconde d’ennui et on apprécie le voyage….
Il en va de même pour moi! J’adore le bus pour ces instants suspendus qu’il me permet… Autant dire qu’en Inde, j’étais heureuse! Mon record a été atteint lorsque j’ai avalé 24h de route, 24h de No Man’s Land, les yeux perdus à travers la vitre et l’esprit en vagabondage bienheureux 🙂
[…] bien immense. D’abord, pour son côté «pèlerinage dans une ancienne vie», mais aussi pour ce sentiment de liberté absolu que je ne ressens que sur la route. Bourlinguer en famille demande une plus grande logistique, […]