Ado, mon sport favori était «le saut de pieds». Je bondissais d’un vers à l’autre comme d’autres fument leurs premiers joints. J’écrivais sans arrêt. J’enfilais les mots comme autant de puffs, et le buzz qui en résultait me donnait sitôt envie de recommencer. Beaudealaire, Nelligan, Rimbaud, Lamartine et plus tard Mallarmé m’accompagnaient dans mes délires. À force de les lire et de les analyser, je me suis mise à compter les pieds, à faire des rimes et à me la jouer très «poète maudit». J’étais persuadée de ne pas être née à la bonne époque.
Quand je suis déménagée à Montréal à l’âge de 19 ans, j’allais me promener régulièrement dans le Carré St-Louis à la recherche des traces d’Émile (je me permets de le tutoyer et de l’appeler par son prénom, depuis le temps!). Je me souviens du jour, où, émue, je suis tombée sur la maison où il a grandit.
Je me demande encore parfois ce qu’il serait devenu s’il était né à notre époque. Aurait-il été un blogueur parmi tant d’autres? L’auteur vedette d’une obscure maison d’édition qui vend 150 copies de chacun de ses bouquins? Un de ces itinérants au regard hagard qui refuse obstinément de prendre ses médicaments?
Si Nelligan était né à notre époque, je pense qu’il aurait été lui.
Comme plusieurs, je l’ai découvert à Tout le monde en parle. J’ai craqué pour ses mots, pour sa poésie et pour sa voix. Quelle voix! Une voix avec une «présence». Depuis, j’ai retrouvé le plaisir que j’avais en compagnie de mes «potes» d’autrefois. Il me fait voyager. Je me reconnais dans ses textes, je m’entends dans ses rimes, je me love dans ses histoires qui pourraient être les miennes. Je me réconcilie avec une forme de poésie qui vient me chercher au fond des tripes.
Merci, Grand Corps Malade.
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Quel artiste! Alex et moi avions eu l’enchantement de le découvrir lors d’un voyage en France à l’automne 2006. Il commençait à peine à être connu là bas. On était parti en voyage quand il est venu à Montréal en 2007… J’espère qu’on pourra reprendre ça un jour.
Merci merci merci de m’avoir rappelé l’existence de ce maître des mots… Il arrive à aller me chercher les tripes comme peu le peuvent…
Je ne pense que Nelligan et Grand Corps Malade soient comparables vraiment. À part qu’ils font des rimes, leurs styles sont différents d’après moi.
@ Pierre-Luc: C’est clair qu’ils sont différents! Mais ils viennent me chercher de la même manière… Et je suis persuadés que si Nelligan était né à notre époque, il aurait fait du slam.