Ça me rend folle qu’elle n’ait pas de blogue pour publier tout ça. Hélène Mercier est l’une des filles les plus allumées que je connaisse. Elle termine sa maîtrise à l’Université de Lund, en Suède, mais vit en Afrique de l’est depuis quelques mois pour son mémoire. Avant de rentrer en Europe, elle s’est offert des séjours dans différents coins d’Afrique. Voici ce qu’elle écrit à son retour du Rwanda.
J’étais prête à aimer le Rwanda; j’étais disposée à recevoir le pays des mille collines en plein cœur et ce fut le cas.
Comme si le douanier avait sentie l’importance qu’avait pour moi cette entrée au Rwanda, il m’a regardé droit dans les yeux avant de me lancer d’un ton joyeusement officiel : Hélène Mercier, Bienvenue au Rwanda. Il a apposé l’étampe du poste frontière de Gatuma et m’a remis mon passeport. J’étais aux anges. Les mêmes anges qui doivent habiter les collines verdoyantes qui m’entouraient. Elles ont quelque chose de divin. Je n’arrivais pas à imaginer les horreurs qui s’y étaient déroulées. Chantale me l’a rappelé.
En entrant dans l’autobus à Kampala, je trouve une jolie dame, bien mise et souriante, assise à côté de mon siège. Je la salue en anglais, elle me répond en chuchotant, hésitante. Je me présente et elle fait de même, elle s’appelle Chantale qu’elle me dit.
– Alors vous parlez français?
Son visage s’illumine, oui, le français c’est plus facile que l’anglais. Au fil du trajet, je lui faisais découvrir des chansons, elle était fascinée par mon Ipod. Elle m’achetait des bananes, des jus de mangue, des beignets et insistait pour que j’apprenne à nommer ces choses en Kinyarwanda. On regardait les cartes de mon Lonely Planet et elle m’expliquait, à tous les 20km, où nous étions rendues.
Puis elle s’est mise à me parler de la guerre. Des trois mois qu’elle a passée caché chez un voisin, qui les a sauvé, elle et sa sœur. De ses cinq sœurs mortes, de ces parents disparus également. Chantale avait 19 ans en 1994. Elle n’utilise pas le mot génocide, peut-être qu’elle ne le connaît pas. Pour elle, c’était la guerre. Elle ne se soucie pas des implications légales associées au terme génocide, qui oblige les pays signataires du traité sur la prévention des génocides à agir. «C’était la guerre Hélène.»
Je ne sais pas pourquoi j’ose lui poser cette question, mais je lui demande pourquoi elle était cachée, alors que le reste de sa famille ne l’était pas. «Mes petites sœurs jouaient dans la rue, elles étaient jeunes. Mes parents sont partis les chercher et ils ne sont jamais revenus. Je ne sais pas pourquoi elles et pas moi, c’est Dieu qui fait ça, c’est Dieu qui choisit.»
Dieu? Tu me parles de Dieu, toi Chantale? Un Dieu qui aurait laissé 800,000 Rwandais se faire hachés, violés, mutilés? Un Dieu qui devrait être poursuivi pour crimes contre l’humanité. Tu as encore la foi?
Je me tourne vers la fenêtre, je ne veux pas qu’elle me voit pleurer. Elle devine. Elle me dit : Il ne faut pas avoir peur Hélène, c’est aujourd’hui très sécuritaire. Je n’ai pas peur Chantale. J’ai honte. Honte pour la non-action, honte qu’on se soit contre-calissé de tes sœurs qui jouaient dehors. Excuse-moi, excuse-nous.
Chantale avait raison, le Rwanda doit être un des pays les plus sécuritaires au monde. Et sans doute le plus beau ; du Parc des Volcans, au Lac Kivu en passent par les splendeur de Kibuye qui rappellent la Suisse, ce petit pays a tellement à offrir. Les Rwandais ont des cœur grand comme les gorilles du Nord du pays, des sourires à faire rire aux éclats. Le pays se développe à un rythme fou, il y est extrêmement facile de voyager comparé aux autres pays africains que j’ai visités.
Peut-être qu’après avoir vu ce qu’il y a de plus laid au fond de l’homme, au fond d’eux, les Rwandais ont décidé de choisir le meilleur. Je suis convaincue que j’y retournerai, avec certains d’entre vous je l’espère.
D’ici là, j’ai le Rwanda planté dans le cœur, mais il reste de la place pour l’Éthiopie, que je découvrirai demain.
On la suit?
Aucun commentaire
Très beau témoignage…
Merci de partager cela avec nous !
Cela me rappelle le déchirant documentaire War babies de l’incroyable Raymonde Provencher. Cette Rwandaise qui élève l’enfant né du viol de guerre, après avoir perdu mari et enfants – massacrés, et qui considère cet enfant un don de Dieu. Ça m’avait sciée. Et les autres portraits de femmes aussi.
Comment “signer” ce commentaire ? Je cherche le bon mot.
Bouleversant, et tellement touchant à la fois. S’il est un pays que j’aimerais découvrir…