Ça ne m’avait jamais autant sauté aux yeux. Un peu comme quand on croise un ami perdu de vue depuis plusieurs années et qu’on lit le passage du temps sur son visage. On le scrute à la dérobée, à la recherche de toutes les histoires inscrites dans les sillons qui se dessinent au coin de ses yeux, ces histoires qu’on a manquées parce qu’on était trop empêtré dans les nôtres. On repère cette petite ride, là, pendue à son sourire, et on se demande combien de fois on a contribué à sa création. On réalise qu’il nous a manqué, mais que c’est la vie. Que ce n’est pas si grave après tout.
Il vieillit, mon Plateau.
Après être allée luncher avec mon amie Marie-Pier-que-je-ne-vois-VRAIMENT-pas-assez-souvent (et qui n’a pas une ride, elle!) et une visite chez mon éditeur, je suis passée encourager Wendy et Valérie, qui s’apprêtent à faire un demi-marathon pour soutenir la Société de leucémie et lymphome du Canada, le temps d’un mojitos chez Edgar.
C’est sur le chemin du retour, quelque part entre le Point G (oui, j’ai eu une petite rechute de macarons!;-) et St-Viateur bagel que je l’ai aperçu, acoudé à un parcomètre, en train de parler au téléphone. Grisonnant. Ventre rebondi. T-shirt peu seyant. Lunettes branchées. Cellulaire dernier cri.
Je l’imaginais très bien avoir été le spécimen-type du Plateau… il y a quinze ou vingt ans. Aujourd’hui, il me faisait plutôt fait penser à ces quarantenaires qui s’acharnent à draguer des minettes de vingt ans. À la fois pathétique et admirable. Inspirant une sorte de pitié tout en suscitant une espèce d’envie de s’autoriser à faire de même.
Je me suis soudainement vue grisonnante, avec quelques livres en trop, fagotée comme un saucisson, accoudée à ce parco de l’avenue Mont-Royal. Je me suis entendue râler contre ces jeunes envahisseurs qui ont pris d’assaut mon quartier, contre la branchitude qui l’a défiguré, contre le pseudo qui a pris le pas sur le melting pot un peu brouillon qui m’a tant séduite à l’époque où j’ai choisi de m’y installer.
Et, pour la première fois, je me suis dit que je l’avais quitté au bon moment.
Qu’il me manque, mais que c’est la vie.
Que ce n’est pas si grave après tout.
Aucun commentaire
Jolie mise en situation.
J’ai eu le même constat en y retournant il y a peu. Maintenant je n’y suis qu’une créature en transit (travaillant sur St-Laurent, pas loin de l’Avenue Mont-Royal) qui quitte les lieux une fois le travail terminé…
J’y suis retourné ce printemps après trois ans sans y avoir mis les pieds. J’ai eu le plaisir de reconnaître des vitrines de l’époque et d’en découvrir des nouvelles bien sûr. J’avais un étrange sentiment de cotoyer le passé et le présent en même temps. Il n’est peut-être plus aussi fascinant qu’il y a 15 ans et il y a, heureusement, d’autres secteurs de la ville qui se sont beaucoup améliorés. J’aimerais bien savoir si le plateau est aussi ”unique” pour les gens dans la vingtaine qu’il l’était pour moi à l’époque, c’est-à-dire les années 90.