J’ai énormément de mal à me détacher du drame que vit Haïti. Je sors de mes gonds très facilement quand je lis le mot «pillage» employé à toutes les sauces. Quand je constate le manque de nuances. Ou l’absence de mise en contexte. Je piaffe dans mon coin, impatiente devant les délais de livraison des médicaments et des denrées, mais surtout impuissante.
Ce texte du journaliste Alain Gravel (via @NathalieCollard et @MichelleBlanc sur Twitter) résume très bien comment je me sens depuis six jours. Il cite entre autres Dany Laferrière, lors de la soirée Excellence de La Presse/Radio-Canada: « Mardi, j’étais couché par terre. Là, on est dimanche et je suis ici, debout pour recevoir un prix dans un gala. […] Je ne suis pas ici pour me reposer. Je suis ici pour dire ce que les gens en Haïti vivent. »
Pourtant, en temps normal, je vénère la futilité. Je crois en ses vertus thérapeutiques. Je crois au sourire, à la bonne humeur et à l’humour. Quelques « calories vides » pour le cerveau font autant de bien au moral qu’un sac de chips ou de bonbons. Mais cette fois-ci, j’ai vraiment du mal à détourner les yeux du drame. Comme je l’écrivais hier, je ne m’en sens pas le droit.
Je vaque à mes occupations habituelles (malgré un vilain rhume !), mais Haïti ne me quitte pas. J’ai l’impression que cette fois-ci, c’est un pays qui me visite et non l’inverse. J’aurais préféré l’accueillir dans d’autres circonstances.
Foglia m’a convaincue de plonger dans Pays sans chapeau de Dany Laferrière, que je n’avais pas lu depuis quelques années. Je me promets de ressortir ensuite les oeuvres de Rodney Saint-Éloi et d’Anthony Phelps.
C’est la seule chose que je puisse faire en ce moment.
10 Commentaires
Je viens me réfugier ici après avoir lu des horreurs sur Branchez-vous…Ça me fait du bien…
En vrac : ce texte m’a aussi touchée; chaque fois que Dany Laferrière prend parole ces derniers temps, je suis touchée au cœur; et moi non plus, j’en peux plus d’entendre le mot pillage. Si j’étais mère de famille en Haïti et qu’une épicerie effondrée se trouvait à proximité, j’irais prendre de la bouffe pour ma famille, sûr et certain !!!! Je pense même que les autorités pourraient utiliser ces denrées pour distribution. C’est une question de vie ou de mort, bordel…
C’est tellement beau quand tu écris que cette fois-ci c’est un pays qui te visite !!!
Heureusement que je sais ma gang du boulot intensément impliquée en Haïti. Ça m’aide…
Cette catastrophe me rappelle aussi que les gens ne s’éveillent aux problématiques de la pauvreté que lorsqu’il y a une catastrophe, justement… Alors qu’on aurait pu prévenir un grande partie des dommages et des conséquences en luttant contre la pauvreté et ses conséquences en prévention plutôt qu’en réaction !!!…
Lâche pas Marieju 🙂 xxx
C’est vraiment une catastrophe que vit en ce moment HAITI.Les photos montrées à la télévision ne sont rien en face de ce que vit exactement ce peuple.C’est horrible !C’est déjà un pays pauvre mais maintenant que vont ils devenir et en plus ils manquent de tous.
Venez leur en aide car ils ont vraiment besoin
Je te suggère de lire ou relire l’un des plus beaux textes de Rodney, à mon avis, qui se trouve dans l’anthologie -Montréal vu par ses poètes- et qui s’intitule “Les villes sont d’étranges bateaux”…
Je suis beaucoup ce que tu écris… et j’aime beaucoup. Particulièrement ce que tu viens d’écrire. Je suis la maman d’une petite Haïtienne que j’ai eu l’énorme chance d’aller chercher il y a quelques mois à peine. Je chéris le ciel de l’avoir avec moi.
J’aurais voulu écrire ce que tu as écrit. Tes mots reflètent exactement ma pensée en ce moment.
Je suis tanné d’entendre et de voir Haiti partout!! Non pas que le drame ne me touche pas , au contraire. Mais ce qui m’énerve, c’est combien de corps morts, de maisons effondrées, de villes détruites et autres horreurs faut-il aux journalistes pour nous convaincre que c’est un drame horrible??
Au lieu d’envoyer des avions et des hélicopteres bourrés de journalistes, remplisser les donc de vivres!! Les médias sont tres rapides pour dépecher des journalistes, photographes, caméramens sur les lieux mais concretement, que font-ils pour aider les sinistrés??
Des gens qui ont tout perdus ont-ils le gout, en plus, de se faire mettre une caméra dans le visage???
Je suis tout a fait pour une aide à Haiti car le pays en a grandement besoin mais, avant le seisme, qui leur venaient en aide? On ne peut pas dire que les habitants roulaient sur l’or! C’est cette hypocrisie qui me pue au nez!! Avant le seisme (quelque chose de gros, spectaculaire), ils pouvaient bien crever, on s’en foutait. Mais maintenant, ils souffrent vraiment, aidons-les!!!!!! C’est la meme chose qui est arrivé avec l’ouragan Katrina. Des gens vivaient tres pauvres en louisianne mais il a fallu l’ouragan pour reveiller le gouvernement à leur détresse!!
Je suis d’accord avec toi: parler de pillage dans des telles circonstances c’est ne rien avoir compris de ce qui se passe.
@Cécile: T’es toujours la bienvenue dans mon Taxi-brousse! 🙂
@Marie l’urbaine: …«Alors qu’on aurait pu prévenir un grande partie des dommages et des conséquences en luttant contre la pauvreté et ses conséquences en prévention plutôt qu’en réaction !!!…» MERCI de vivre sur la même planète que moi… XX
@KUCERA MARIE ANNE: Oui, on fait tous ce que nous pouvons, à notre échelle.
@Valérie: Merci! Il me semble l’avoir lu quand le livre est sorti. Je vais tenter de le retrouver… Merci pour la suggestion.
@Nathalie: Ton commentaire me va droit au coeur. On pense à tous ces nouveaux orphelins qui sont là-bas, mais c’est tellement important de célébrer le fait que d’autres ont eu la chance de trouver des familles aimantes ici avant le drame! Merci à toi pour avoir partagé ça ici. Vraiment.
@Sylvain: Ça me désole qu’on puisse être tanné d’entendre parler d’Haïti. Je pense que c’est nécessaire. Et que ça le sera dans un mois, dans un an aussi. Je viens d’écouter ceci, qui parle du traitement médiatique: http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2010/CBF/ChristianeCharette201001190905_m_1.asx Très pertinent à mon avis. Et par rapport à la vitesse de l’acheminement de tout, dans la même émission, le photographe Ivanoe Demers raconte comment c’était quand c’est arrivé, et à quel point les choses ont bougé rapidement, contrairement à ce qu’on peut croire.
@Claudia: Malheureusement, plus le temps passe, plus la violence s’installe… C’était prévisible, mais j’avoue avoir un peu peur pour la suite.
Personnellement, j’aurais le goût de sauter dans un avion pour aller aider… de quelque façon que ce soit! Pas débarquer en touriste, non, mais bien pour faire quelque chose. Evidemment si tout le monde décide de faire ça, ça ne sera pas évident. On risque d’amplifier le problème en ajoutant des bouches à nourrir…
Ca nous fait voir que finalement, au Québec, on se plaint le ventre plein!