Ce matin, j’étais invitée à parler du Manuel de l’anti-tourisme de Rodolphe Christin à l’émission Christiane Charette en compagnie de Jean-François Nadeau, du quotidien Le Devoir. Comme je l’ai dit d’entrée de jeu, ça m’a agacée qu’on ne mentionne jamais le contexte dans lequel le livre a été écrit depuis sa parution au Québec. L’auteur est Français. Dans l’Hexagone, les salariés qui font la semaine de 35 heures ont tous droit à cinq semaines de vacances par année. Au Québec, plusieurs ont deux semaines par an. Ça relativise un peu les choses quand on fait l’éloge de la lenteur!
Aux types de voyages énoncés dans le livre (l’auteur parle abondamment du divertissement, qui est devenu la norme dans l’industrie touristique, ainsi que de tourisme responsable, tout aussi dommageable en bout de ligne que le «tourisme-tout-court» selon lui), j’ajouterais le tourisme «vitamine D». Combien de Québécois prennent des vacances dans le Sud l’hiver simplement pour s’offrir une dose de chaleur pour les aider à patienter jusqu’au printemps? Même si mon collègue du journal Le Devoir n’était pas d’accord (oui, c’est vrai qu’il peut faire froid en Europe aussi!;-), c’est une tendance qu’on ne peut pas nier.
Je ne m’étendrai pas ici sur l’éternel débat tourisme/vacances/voyage. J’ai l’impression d’avoir tout dit maintes fois sur le sujet. Ce sont trois types de séjours complètement différents, et je crois qu’on peut très bien «swigner des trois bords» (lol). Personnellement, j’assume pleinement ma «touristitude» quand elle se pointe. Je vais aussi parfois me reposer (chose que j’ai énormément de mal à faire, je l’avoue!). Mais quand c’est possible, rien de tel pour moi qu’un voyage sans contrainte, qui permet une réelle perte de repères. Rien de plus merveilleux que se laisser porter par les rencontres, par l’impulsion, par l’instant (soupir).
Pour le reste, je vous invite à écouter la discussion. Si certains détails m’ont fait tiquer dans le livre (ex: Nicolas Bouvier a beau être considéré comme le plus grand écrivain voyageur, des récits très intéressants qui se déroulent à notre époque méritent également d’être lus – et je ne prêche pas que pour ma paroisse! lol), je suis plutôt d’accord sur le fond. Oui, nous sommes tous des touristes, qu’on le veuille ou non. Mais bon, on pourrait poursuivre la discussion éternellement…
En conclusion, l’animatrice nous a demandé quel serait notre voyage idéal. Je pourrais divaguer pendant des heures sur le sujet (d’ailleurs, je n’arrête pas d’y penser depuis – une fois la machine à rêver enclenchée, j’ai du mal à retrouver le bouton «arrêt»!), mais comme c’est mon premier après-midi de congé depuis environ un mois (!), je vous pointerai plutôt des billets qui expriment bien ce que je ressens encore aujourd’hui:
• De ma fenêtre (28 mai 2008, écrit dans un bus vers Kenting, TaÏwan)
• Exotisme (31 août 2008 – à propos de ma soif d’ailleurs)
• Cases affaires (2 septembre 2008 – mon dégoût des étiquettes)
• Le grand saut (24 mars 2008 – mon tout premier billet sur ce blogue, qui résume encore très bien pourquoi je continue à bloguer… Cette phrase rejoint d’ailleurs les réflexions de Rodolphe Christin: «Ce qui m’allume, c’est la route qui m’y conduit (cliché, but so true!), parsemée de rencontres, de découvertes, de fou rire, d’embûches… et de questions.»)
• Retour aux sources (écrit peu avant mon départ pour Taïwan en 2008 – j’y retournais pour la première fois depuis mon exil)
• L’habituel relatif (31 octobre 2009 – redécouvrir son coin de pays à travers le regard d’étrangers)
• La neige a neigé (4 novembre 2008 – prendre le train au Québec)
• Douce évasion (20 mars 2009 – partir comme si c’était la première fois)
• Quand la perle des Antilles s’effrite dans son écrin (15 janvier 2010 – renvoi à un de mes billets sur EnTransit.ca)
Il y en aurait des tas d’autres…
P.S.: Corinne Bourbeillon des Petites bulles d’ailleurs a rencontré l’auteur lors de la sortie du livre en France en 2008. J’avais à l’époque commenté son billet, sans avoir pu voir le livre. J’aurais pu écrire sensiblement la même chose après la lecture du Manuel de l’anti-tourisme.
8 Commentaires
Dans mes amis proches, un tas d’amis font des vacances “Vitamines D”.
C’est peut être une histoire de monde de bureau…
J’ai bien hâte de lire ce livre et je pense que je serai certainement d’accord avec les points de vu de l’auteur.
Le tourisme est une industrie qui fait des ravages. La démocratisation du voyage n’a pas été pour le mieux, bien au contraire.
Je viens d’écouter l’émission. J’ai bien aimé vos échanges, avec Jean-François Nadeau, je me retrouve dans plein de chose. Ce qu’il dit est très vrai sur le climat hivernal en France : en particulier sur le temps gris et humide breton, avec son bas plafond de nuages déprimants, qui semble ne jamais vouloir se déchirer… 😉
Les Français vont facilement faire de courts séjours farniente et soleil en Afrique du Nord, dans les pays du Maghreb francophones, très vite accessibles en avion, en formules club tout compris, formules qui sont vraiment imbattables question prix. Ou alors en Europe du Sud (Espagne, Portugal, Grèce). Nous avons le même genre de réflexe que les Québécois qui filent en Amérique du Sud, à cet égard, je pense. Nous avons tout aussi envie/besoin de soleil et de chaleur pendant l’hiver!!!
Ce type de voyage “facile et rapide” me semble nettement plus répandu chez nous que le “voyage lent” que suggère Rodolphe Christin. Les semaines de vacances n’ont rien à voir à l’affaire. Rares sont les gens à partir loin et longtemps comme je le fais. Je suis une touriste française atypique, je pense.
Le mini-sondage express que j’ai fait récemment dans les allées du salon du tourisme de Rennes, me confirme cette impression. Enfin, malgré nos 5 semaines de congés officielles, la plupart des gens les divisent en plusieurs petites vacances, pour être avec les enfants pendant les vacances scolaires, répartir des pauses au fil de l’année. Personne ne prend ses 5 semaines d’un coup.
J’aime ton billet, Marie-Julie! Je dis souvent que la différence entre les magazines de voyages qui fonctionnent en Europe et les nôtres qui vivotent ou ferment leurs portes est en grande partie causée par le nombre de semaines de vacances par année. Quand ici on a seulement 2 semaines de vacances pour se reposer (une semaine dans le Sud l’hiver et une semaine au chalet ou chez des parents et amis au Québec), on ne prend pas le temps de chercher à «découvrir» les peuples, les cultures… On est trop crevé pour ça!
Heureusement, il y a des étudiants qui ont plusieurs semaines de congé l’été ou entre deux diplômes et les grands voyageurs de tout âge qui partent de longs mois à leurs frais (congé sans solde, retraite, congé à traitement différé…) pour témoigner de la «curiosité culturelle» d’un bon nombre de Québécois ouverts d’esprit, parce que ce ne sont pas nos normes du travail avec nos maigres 2 semaines de vacances (minimum) qui nous encouragent à partir en voyage…
@Corinne: Chaque fois que je suis allée en Asie ou en Afrique, j’ai croisé pas mal plus de Français que de Québécois. Question de proximité, sans doute, mais plusieurs me disaient des trucs du genre: «Il me restait deux semaines à prendre…» Ou alors j’en croisais qui bourlinguaient pour plus longtemps. Peut-être que les Français ne partent pas pour de longues périodes, mais ils peuvent partir plus souvent. Et puis, il y a toute cette «culture du voyage», dont j’ai souvent parlé. J’ai souvent eu l’impression qu’il était plus «naturel» pour les Européens de voyager. Quelques heures de voitures et hop! vous traversez une frontière… Ici, c’est une autre histoire. Sans oublier qu’il faut quasi-impérativement partir en voiture pour couvrir beaucoup de territoire. Notre réseau de train est loin d’être aussi au point qu’en Europe!
Bref, même si rares sont les Français qui partent pour un mois entier, pour vous c’est possible. Ici, c’est plus compliqué… On a vraiment pas les mêmes conditions, à la base. De là mon insistance à vouloir mettre les choses en contexte.
@Anne Marie: Merci! Ça explique sûrement une partie du problème… Sans oublier la population, bien sûr. Disons que plus il y a de monde, plus un magazine a de chance de trouver son public! 😉
Les Français ont aussi une propension à l’expatriation que les Québécois ont beaucoup moins (la tendance à aller s’installer pour y vivre, quelques années, dans un pays lointain d’Asie, d’Amérique ou d’Europe, mais sans s’intégrer réellement et en côtoyant surtout d’autres expats sur place…).
D’où le grand malentendu entre le gouvernement du Québec, qui pense faire venir des immigrants français, et les Français, qui pensent plutôt à s’expatrier quelques années (via la résidence permanente), prendre la nationalité canadienne puis rentrer chez eux 😉
J’écoutais l’émission de Christiane Charrette, en reprise hier soir. Pris dans mon petit 9 à 5, votre intervention m’a donné le gout de partir comme ce n’est pas possible!!
Bon, je devrai patienter aux vacances d’été; mais il est certain que j’essaierai d’éviter les lieux qu’on a volontairement voulus produits de consommation; comme c’est par exemple le cas de plusieurs parcs nationaux du Québec.
Cet été, je pars sur une route qui n’aboutit nulle-part, ou l’on ne vide pas ses poches à chaque arrêt et qui, surtout, n’est pas contaminée par l’industrie touristique.
Ma destination cet été? La route Trans-Taiga.
Trooop intéressant !
Bon, pendant mon congé de maternité, j’ai deux projets de voyages (le savais-tu ? 🙂 )… et j’espère avoir le temps d’ÉCRIRE sur ce sujet qui m’interpelle tellement !
(Bravo pour ta participation à l’émission. Tes interventions étaient méga pertinentes !)