Afrique

Bonjour, je m’appelle Moussou et je suis taxi sister…

24 février 2010

Chéri vient de me faire découvrir cette série en ligne d’Arte qui propose une incursion multimédia au Sénégal, mais aussi dans d’autres pays d’Afrique. Moussou, chauffeuse de taxi (l’une des «taxi sisters» qui sillonnent la capitale depuis 2007), nous sert de guide à Dakar. Au fil des pérégrinations, nous découvrons plusieurs traits culturels et points de vue, sans jugement.

Fascinant par exemple, lors de la découverte du monument de la Renaissance,  qui sera inaugurée le 3 avril 2010 pour commémorer l’indépendance de l’Afrique, d’écouter l’architecte Pierre Goudiaby Atepa justifier à sa manière les 18 millions d’euros nécessaires à son érection (oui: 18 millions d’euros pour une fucking statue dans l’un des pays les plus pauvres au monde). Ironie: l’architecte-conseiller s’est, depuis, brouillé avec Abdoulaye Wade. Le président entend pour sa part garder 35 % du bénéfice des visites du monument…

Moment particulièrement savoureux du web-reportage: le témoignage du frère aîné de Moussou, Assan, à la toute fin. Un bougre fort sympathique et très cultivé (on constate d’ailleurs sitôt entrés chez Moussou qu’elle a grandi dans un monde privilégié), à qui on a presque du mal à en vouloir de ne pas arriver à considérer la femme comme l’égale de l’homme.

Aucun doute: le point fort de cette série est son casting. Assan est l’exemple même de l’Africain érudit* avec qui on peut très bien s’être lié d’amitié et puis hop! au détour d’une discussion, constater l’étendu du fossé qui nous sépare. Va-t-on moins l’apprécier? Connaître son attachement à ce qu’il appelle «la tradition» altérera-t-il l’image du bon lascar qu’on s’en était faite? Intéressant qu’une vidéo nous permette de nous mettre dans cette situation, si fréquente sur le terrain.

Par ailleurs, j’ai été frappée par les images de foules, notamment au marché. Chéri semblait tout aussi étonné que moi devant ces commerçants et ces quidams qui se laissaient filmer sans broncher (j’ai déjà raconté mes péripéties de tournages à Ouagadougou en 1999 sur EnTransit.ca…).

Deux questions me viennent à l’esprit: est-ce l’équipement plus léger d’aujourd’hui qui permet de tourner quasi-incognito et donne cette impression d’indifférence face à la présence d’une caméra? Les images ont-elles été tournées par un Sénégalais (les gens à l’écran semblent s’adresser à un Français, mais on ne fait référence nulle part au caméraman), ce qui expliquerait l’absence de comportements hostiles?

Je suis persuadée qu’une décennie plus tard, mon approche serait complètement différente avec les gens sur place. Mon inexpérience de l’époque – surtout en ce qui concerne la «gestion» des différences culturelles – m’a, sans l’ombre d’un doute, beaucoup nui. Malgré tout, ma couleur reste la même. Et si cet équipement vidéo quasi-invisible permettait enfin de se fondre dans le décor et de réaliser des reportages plus près de la réalité? En tout cas, j’ai adoré me balader à travers les étals du marché Castor comme si j’y étais, sans voir constamment des gens pointer la caméra avec hargne.

Dans un autre ordre d’idée, j’ai beaucoup aimé le segment sur l’indépendance de la presse, sujet auquel je m’étais intéressée lors de mon passage en 2003-2004 (fin et début d’année). Le Sénégal fait figure d’exception dans le paysage ouest-africain. L’indépendance est peut-être encore possible, mais le visage des médias a tout de même beaucoup changé au cours des dernières années. En 2003, j’avais d’ailleurs constaté la toute nouvelle popularité des journaux à potins.

Bref, une bien belle balade que nous offre Arte à l’occasion des 50 ans d’indépendance de plusieurs pays d’Afrique.

Ai-je besoin de préciser que j’ai très hâte d’y retourner? 😉

* Je précise «érudit» parce que bien malgré nous, nous nous lions plus facilement avec des gens qui ont eu la chance d’étudier, ne serait-ce que pour une question de communication.

MÀJ: Je viens de constater qu’on peut faire le même voyage en passant par TV5.

MÀJ2: Touki Montréal a aussi écrit sur le sujet.

Vous pourriez également aimer

Aucun commentaire

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :