Ce matin, je vous ai aperçue par la fenêtre du café le plus près de chez moi. J’étais avec Chéri et notre adolescente de trois ans et demi, qui trépignait à côté de son vélo rose. J’ai hésité un instant (le temps de me demander: «si je l’aborde, je la vouvoie ou je la tutoie?»), puis j’ai filé avec mes deux impatients. Chemin faisant, j’ai continué à penser à tout ce que j’aurais aimé vous dire.
Si j’étais entrée, j’aurais probablement opté pour les phrases «détours». Vous savez, celles qui nous évitent de devoir choisir un pronom personnel? J’aurais cependant dû lutter un peu pour rester «polie» parce qu’après la lecture de Ru, mon premier réflexe aurait été d’opter la familiarité, étrange syndrome de l’admirateur envers l’admiré qui, lui, n’a aucune idée s’il a affaire à un simple lecteur enthousiaste ou à un psychopathe.
Si j’avais senti une ouverture de votre part, je vous aurais sans doute posé la question qui me brûle les lèvres depuis que je me suis résignée à terminer votre livre – j’ai étiré sa lecture le plus longtemps possible car je n’avais aucune envie de vous quitter -: pourquoi diable vos parents n’ont-ils pas vendu les diamants à leur arrivée au Québec????
Je vous aurais ensuite remercié d’avoir pris la plume.
Et d’avoir secoué la mienne.
J’ai été transportée par votre voix, mais c’est votre économie de mots qui m’a le plus touchée. Pas besoin d’en aligner davantage. Ceux qui ont frayé leur chemin depuis cette cale de bateau jusqu’à ces 144 page portent parfaitement leur poids. Une économie de mots, mais une énorme générosité dans vos silences. On les entend à la fin de vos phrases. Des points suspendus entre deux continents. Des âmes sans états.
Je vous aurais aussi remercié de m’avoir rappelé l’importance de trouver ma propre voix, moi qui me perds à force d’explorer trop d’avenues. Qui cherche constamment à «ne pas faire comme ceci ou comme cela» alors que je pourrais faire, point.
Oublier les autres.
Pas besoin d’apprendre à chanter juste ni même à trouver la bonne tonalité; il me suffit de chanter vrai.
Bref, merci pour le voyage, pour les odeurs, pour l’intimité et pour ces personnages qui m’ont permis de me sentir encore plus proche de ce continent que je chéris autant (plus?) que le mien et de ceux qui l’habitent.
Merci d’avoir pris la plume.
Et d’avoir secoué la mienne.
La prochaine fois, j’entrerai dans le café.
P.S.: Une chose est certaine, peu importe le pronom, vous restez singulière!
23 Commentaires
Témoignage très touchant! Et j’aime bien la mention de ton adolescente de 3 ans et demi!
Je le porte et porterai encore longtemps ce livre. Quelle oeuvre! Je suis fan et groopie!
Merci ! C’est touchant… Tu donnes envie de le lire:-)…
Beau texte. Tu nous donnes le goût d’acheter ce livre.
Bonne journée!
Il figure dans ma liste (parmi tant d’autres) de livres à lire. Tu donnes envie de l’envoyer tout en haut.
Super texte! 😀 Bon ben là, je n’en peux plus d’en entendre parler de ce bouquin, il faut que je me le mette entre les mains! 🙂
Ahhhh Marie-Julie, tu lis dans mes pensées. Quel hasard ! J’ai justement lu “Ru” ce week-end et j’étais dans le même état d’esprit que toi et avec la même foutue question sur les diamants !!! haha
Si tu me permets, je me joins à toi pour remercier Kim Thuy d’avoir si bien pris la plume. J’ai adoré son récit.
En passant, son histoire me fait penser à celle de la designer Hoang NGuyen, de la boutique Autrefois Saïgon à Québec. Elle n’a pas écrit son histoire, mais j’en ai glissé un mot dans une chronique antérieure: http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/vivre-ici/mode/200910/14/01-911412-autrefois-saigon-plus-actuel-que-jamais.php
Quelle plume tu as, MarieJu !!!!!!!!
J’espère que tu as envoyé une copie de ce billet à Kim Thuy directement !
Merci, tu me donnes envie de lire et d’écrire, plutôt que de retourner me coucher !
@Anne-Marie: Hahaha! Merci!
@Sandra: C’est pour ça que je suis une lectrice si difficile (et c’est encore pire quand je prends la plume… bonjour l’auto-critique!). J’aime les gens qui ont «une voix» qui leur est propre. Des voix qui me parlent…
@Isabelle Marjorie: Merci! Je t’en offre un exemplaire comme cadeau de nouvelle maman! Le format sera parfait pendant l’allaitement! 😉
@Cellule T: Merci! Ah oui! Il FAUT l’acheter! Ainsi que tout plein d’autres livres d’auteurs québécois! 😉
@Grande-Dame: Quels sont les autres de la liste? Je suis curieuse…
@Etolane: Bien hâte d’avoir ton avis!
@Annie: C’est vrai? Et pourtant, il ne me semble pas avoir lu de critiques qui en faisaient mention. On est nouilles ou quoi? lol Super-intéressant ton texte sur Autrefois Saïgon! Merci pour la découverte, je ne connaissais pas.
@Marie l’urbaine: Merci bella! Ça me touche… et tant mieux si je suis «contagieuse»! hi! hi!
Chère Marie-Julie,
Je vais sans hésitation vous vousvoyer parce que votre plume impose cette marque de respect et d’admiration de ma part, même si vos mots m’inspirent l’intimité d’une amitié.
Vous ne pouvez deviner à quel point je suis touchée par l’attention particulière que vous avez portée à mes silences; des silences que j’ai osé exposer si impudiquement par écrit mais dont je ne saurais vous offrir en personne.
Si vous m’apercevez à travers la fenêtre d’un café de notre quartier ou devant un rayon de céréales ou à la queue au comptoir postal, je vous prie de me faire signe afin que je puisse serrer la main de celle qui m’a profondément secouée.
Kim Thuy, votre fan
@Kim Thuy: Super-touchée! Merci, c’est promis!
J’avais envie de lire ce livre mais ton billet a donné le coup final et je l’ai acheté. J’ai très hâte de m’y mettre.
Je cours à la librairie! Merci de ce billet magnifique !
Votre échange me laisse sans voix!
Oh wow, sa réponse à ton billet, c’est magique.
Et grâce à ton billet, je pense bien que je sais quel sera le prochain livre que je m’achèterai. Ça semble être un incontournable!
Marie-Julie,
Mesdames,
Kim Thuy,
les vents se décomposent en autant de fois qu’ils ont d’intensité : la brise, le souffle, le zéphir, la tornade…
de France, certains s’appellent le mistral, (il tourne violement vers le sud), ou la tramontane (froide, sèche).
J’aurai, Mesdames, voulu appercevoir chacun de vos souffles, juste pour appréhender quelques uns de vos imperceptibles moments où vous furent frolées, touchées, et pour certaines bouleversées, par cet air fin et délicat venu de Saïgon et du Québec.
Comment vous toutes êtes transportées par cette mélodie ?
Kim Thuy, vous semblez entre deux et entre toutes ; votre humanité peut-être ? votre attention aux autres surement !
Vous atteignez quelques parcelles de nos coeurs laisser en friche … A peine effleurées, elles tintent de ce bonheur retrouvé.
Le mien, depuis Ru, ne cesse de vibrer …
Merci pour ce très beau texte. Il faut que je lise ce livre!!!
Quelle richesse d’écriture et quel beau voyage je fait en lisant votre livre. depuis le soir de l’entrevue a ”Tout le monde en parle” a aujourd’hui,je suis transporté a tout les jours dans votre livre.C,est un livre d”espoir plein de richesse et d’amour. Étrange que tous les commentaires proviennent de la gente féminine
Nous étions deux fêtés en avril: un a eu Ru en cadeau et moi L’énigme du retour. On s’est promis de se les échanger. Je crois bien à la lecture de votre billet et des commentaires que je vais préférer Ru.
En prime, vous venez de gagner une autre lectrice de votre blogue