On pourrait penser qu’il est plus facile pour une journaliste d’avoir une bonne couverture médiatique quand elle lance un livre. C’est en partie vraie, puisque nous avons des amis dans ce milieu. Un nom familier. Mais c’est aussi à double tranchant et, par moment, terriblement épineux. Je m’explique…
Personne ne fait l’unanimité. Je sais, par exemple, que j’ai déjà froissé des pigistes en refusant leurs propositions à l’époque où j’étais rédactrice en chef reportages chez Clin d’oeil (je me souviens même de l’une d’elles qui ne s’était pas gênée pour me bitcher à la première occasion dans son blogue perso – oui, je lis tout!;-). Que j’ai parfois été dure avec des pigistes, ne reculant pas d’un poil sur ma position (quand je sais que j’ai raison, c’est que j’ai raison! lol). Qu’aucun magazine féminin concurrent n’aurait parlé de mes livres au moment où je bossais pour le magazine de TVA Publications (you-hou! Je suis un électron liiiibre!).
Je tape probablement sur les nerfs de bien des gens avec ma propension à crier mon bonheur sur les toits (pensez-vous vraiment que je vis à l’année dans une bulle rose?), surtout quand j’ai la chance de voyager pour le travail. Peut-être ne serais-je pas si expansive si j’avais grandi au sein d’une famille de globe-trotters pleine de fric, mais ce n’est pas le cas. Justement, j’ai besoin – et me fais un devoir – de répéter aux plus jeunes qui sont dans des situations similaires que tout est possible.
Certains de mes pairs – sacrilège! j’aurais plutôt dû écrire: «Certains journalistes beaucoup plus sérieux et crédibles que moi»! – m’ont aussi critiquée quand je me suis lancée dans l’aventure The (second) best job in the world (et je ne parle pas des autres participants qui m’en ont voulu de prendre autant de place dans les médias), ne semblant pas saisir le second degré. M’enfin…
Certains croient par ailleurs que je l’ai eue plus facile que d’autres dans le milieu littéraire parce que j’exerçais le métier de journaliste. Pourtant, j’ai essuyé mon lot de refus au fil des ans (mais ça, je suis beaucoup trop orgueilleuse pour l’ébruiter!). Je connais le bonheur de recevoir un courriel d’un éditeur qui ne nous connaît ni d’Eve, ni d’Adam, annonçant son intérêt à publier un manuscrit qui nous tient à coeur.
Bref, même si, comme tous les créateurs, j’aimerais que tout le monde m’aime, ce n’est pas le cas et je fais avec.
Là où la situation se corse davantage, c’est quand elle touche à mes valeurs profondes. Je suis de nature très solidaire. J’évolue dans un milieu hautement compétitif, mais je préfère de loin l’entraide aux jambettes («crocs-en-jambes», pour les lecteurs étrangers, lol). C’est pour cette raison que j’appuie mes collègues du Journal de Montréal en lock-out. Je ne m’en suis jamais cachée. Je ne suis pas toujours d’accord avec toutes leurs déclarations, mais je crois en leur cause (même si, par moment, je me demande s’ils sont aussi solidaires envers les pigistes…?) et surtout, leur pertinence (un journal sans journalistes?!!).
Par contre, je soutiens également les pigistes qui ont choisi de continuer à collaborer au journal. Contradiction? Pas du tout! Peu importe leur position, ils n’ont pas de filet, eux! La solidarité, oui, mais pas au point de se tirer dans le pied (remarquez que c’est ce que j’ai fait en refusant de signer le contrat de cession de droits de TVA Publications, qui aurait permis à n’importe quel média du groupe – incluant le Journal de Montréal – de reprendre n’importe lequel de mes articles et même d’en modifier le contenu à sa guise, et en ouvrant ma grande gueule alors que j’étais toujours collaboratrice de Clin d’oeil). À chacun ses limites et ses convictions et je trouve important de respecter ça.
Je pourrais aussi vous dire à quel point le métier a changé depuis mes débuts au milieu des années 1990, et vous raconter pourquoi je me définis aujourd’hui davantage comme une chroniqueuse, une auteure et une blogueuse qu’une journaliste, mais ce serait là l’objet d’un autre billet (qui serait encore beeeeaucoup plus long que celui-ci). Idem pour mes réflexions sur le manque de nuances… Maudit que le discours des gens – journalistes comme quidams – manque de nuances de façon générale dans la vie, vous ne trouvez pas?
Seulement voilà, je publie une série d’albums jeunesse. Écrire des livres est ma passion, la seule certitude que j’aie depuis l’enfance (vous vous souvenez de cette scène de L’Auberge espagnole où Xavier se revoit, enfant, dire: «Je veux écrire des livres?» C’est moi, totalement moi, du début à la fin de la séquence). Comment me comporter en période de promo? En tentant de rester le plus fidèle possible à mes convictions.
Anne-Marie Lobbe, collaboratrice au Journal de Montréal, parle de Lily Têtue dans le Cahier Week-end de cette semaine. J’étais très heureuse de voir la critique de la journaliste pigiste (on ne se connaît pas personnellement, mais si tu lis ceci, un GROS merci! Vraiment très chouette!). Et en même temps, j’éprouvais un certain malaise à cause du contexte…
Non, pas simple.
9 Commentaires
D’accord avec vous sur bien des points.
Surtout pour la nuance. Qui se soucie de nuancer aujourd’hui? Plus le temps, plus d’espace et personne ne vous le demande. Tout est devenu noir et blanc. Nuancer demanderai du vocabulaire en plus de la réflexion. Et demanderait un autre espace que ce simple commentaire dans un blogue…
Contente de voir que je ne suis pas la seule à penser qu’on peut être connu en Outaouais et pas dans le Québec, on peut l’être au Québec et pas en France, etc. Alors bonne chance avec votre livre, tout simplement.
@ClaudeL: Merci! Ah! Un jour j’élaborerai sur mon ras-le-bol du manque de nuances… 😉 J’ai beaucoup de mal avec les esprits obtus!
J’aime beaucoup ce billet qui reflète très bien les multiples chapeaux qu’une journaliste/ pigiste/ écrivaine doit porter ! (toi en l’occurrence !) Il sonne très vrai. Bonne chance pour la promo du livre, je lui souhaite un beau succès… et merci pour la piqûre de rappel de la scène de l’Auberge Espagnole. Rester fidèle à ses rêves et à ses convictions, et tant pis pour ceux à qui ça ne plait pas… sans doute ma meilleure philosophie de vie à moi aussi.
@christelle is flabbergasting: Merci miss! J’apprécie beaucoup! 🙂
Je suis très touchée par ton billet et je pensais que la liberté de faire ce que l’on souhaite pour être heureuse était chose acquise partout.
Pensée pour toi et au plaisir de te voir pour une discussion entre passionnées.
Ben moi, Marie-Ju, j’aime ce que tu fais. Tu as ton style, ton énergie, et tu l’assumes, c’est beaucoup plus que la plupart d’entre nous. xxx
Ahh Marie-Ju…. J’ai aussi éprouvé un profond malaise lorsque le Journal de Montréal a publié une bonne critique de mon Pirate des caramels… Je ne leur aurai pas donné d’entrevue, mais je n’empêcherai pas une critique… Car même si on est journaliste, ça ne veut pas dire qu’on parle plus de nous et de nos livres, alors on prend tout ce qui passe 🙂
@Charlotte: Oui à une discussion passionnée! 🙂
@Nat Dee: Merci, c’est gentil et ça me touche!
@Cecile Gladel: Ce n’est même pas dans l’optique de «prendre tout ce qui passe». Comme je l’ai écrit, je suis contente qu’une pigiste choisisse de parler de mon livre. Le malaise concerne seulement le contexte. Voir la critique ce matin m’a amenée à pousser la réflexion et à réaliser à quel point j’ai du mal avec les conflits, encore une fois. Mais c’est une autre histoire… 😉
[…] plus heureux que les biens matériels ?, Nous sommes tous des touristes, Ça va être ma fête, On ne peut pas plaire à tout le monde et La […]