Note: ce billet a été rédigé le 21 décembre dernier.
Je vous écris de Mbodienne, sur la Petite Côte, au Sénégal. Il est 9h20. La chaleur commence à envahir tranquillement la pièce dans laquelle je dors. Il y a quelques minutes, pourtant, je grelottais.
Dehors, le coq fait des heures supp. L’âne se mettra sans doute bientôt de la partie. J’avais oublié à quel point son cri s’apparente au bruit d’une pompe qu’on actionne avec peine. L’âne ne fait pas hi-han comme dans les contes pour enfant. Les sons qu’il produit semblent plus douloureux, comme une longue plainte. J’avais un instrument de musique à vent, enfant, avec lequel je cassais les oreilles de tout le monde. Un espèce de croisement entre une flûte et un accordéon qu’on appelait «triolet »(et qui ne semble plus exister, selon mes recherches rapides). L’âne pourrait bien naître avec un tel instrument à la place des cordes vocales que je ne serais pas étonnée. Chaque fois qu’il se met à crier, j’ai l’impression qu’il s’apprête à rendre son dernier souffle tant il semble chercher loin l’air nécessaire à pousser la note.
“Il y a du sable partout!” Ma fille est devenue sénégalaise à la seconde où elle s’est mise à jouer avec ses cousins. Si capricieuse d’habitude, elle mange dans le plat commun et prend des douches tièdes (non, pas d’eau chaude!) avec eux sans rechigner. Elle en a même oublié de tenir le décompte des bestioles qui la dérangeaint tant au moment de notre arrivée. On l’a surprise à temps avec une bouteille d’eau du robinet, avant-hier. Sa tête est peut-être sénégalaise, son corps ne l’est pas tout à fait.
Dans un “clando”, patchwork de pièces de différentes époques qu’on appelle un taxi, direction Joal. Je sens la sueur de ma voisine imprégner ma propre peau. Les chauffeurs attendent toujours que toutes les places – même celles qui n’existent pas – soient prises avant de se rendre à destination. Nous descendons à la gare routière, sorte de carrefour où les cars, clandos, et autres taxis sept places se massent pour attendre les clients. Nous nous engrouffons dans l’un d’eux, direction Fadiouth, l’île aux coquillages.
Non, je n’ai pas besoin d’un énième collier. Ni d’une sculpture impossible à transporter dans mes bagages. Les vendeurs sont insistants, mais rien à voir avec ceux du Lac Rose ou du marché de Dakar.
Nous frayons notre chemin à travers le village. L’île porte bien son nom. Sous nos pieds, des coquillages, encore des coquillages. Près d’un baobab, un homme creuse un trou. Même à mi-taille, les mollusques remplissent encore sa pelle, mélangés à la terre.
Nous traversons le pont qui conduit au cimetière. Ici, les sépultures catholiques et musulmanes cohabitent dans le plus grand respect. Le bon voisinnage même après la mort.
Un guide nous emmène voir les greniers sur pilotis, où sont entreposées les récoltes des villageois. Depuis la pirogue, les déchets qui jonchent la rive m’apparaissent encore plus envahissants. C’est l’un des aspects de l’Afrique avec lesquels j’ai le plus de mal à composer. Des déchets partout, tout le temps. Des déchets qu’on ne voit plus tant ils font partie du paysage.
Nous longeons la mangrove avant d’apercevoir la grande mosquée, sur l’île principale. Bien que les musulmans constituent environ seulement 10% de la population – majoritairement catholique – leur présence reste bien visible. Audible aussi, avec les appels à la prière crachés par les hauts-parleurs même avant le lever du soleil.
À Joal, je capte WiFi pour la première fois dans un resto, la Taverne du pêcheur. Je ne peux m’empêcher de publier quelques photos sur Instagram. J’ai beau ne pas avoir emporté mon ordinateur, mon envie de tout partager ne s’est pas envolée avec mes bonnes résolutions.
Entre le mérou (“thiof”) et la dorade, mon coeur balance. L’un et l’autre s’avéreront délicieux, mais s’il me faut déclarer un vainqueur, j’opte pour le thiof. Sis au bord de la mer, ce petit établissement sympa nous offre une vue imprenable sur les pêcheurs en train de retirer leurs filets des eaux.
Derrière eux, le pont qui relie Joal à Fadiouth est soudainement pris d’assaut par une foule agitée. Les enfants rentrent au village pour la pause du midi. Je me délecte de crème glacée à la noix de coco en observant cette faune grouillante et bruyante.
Cap sur Mbour, endroit le plus près de Mbodienne où trouver un guichet automatique. Encore un clando, puis un autre… Pas d’insomnie possible quand chaque déplacement demande autant d’énergie.
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