Je suis un peu en retard, à parler de Noël alors que tout le monde pense au Nouvel An, mais je m’en serais voulu de ne pas vous parler de mon expérience en terre musulmane. D’abord, il faut préciser que si les catholiques sont minoritaires au pays, ils sont majoritaires (et de loin) en pays sérère, sur la Petite-Côte. Ici, les gens sont très pratiquants. Il n’est pas rare de voir des vêtements à imprimés religieux. Dieu est régulièrement mentionné dans les conversations, peu importe l’âge de l’interlocuteur. Rater la messe du dimanche? Impensable! Alors imaginez à Noël…
Je me suis donc retrouvée à l’église le 24 décembre, moi qui n’avais pas assisté à la messe de minuit depuis au moins une décennie (deux?). Dans la petite salle, je remarque quelques toubabs (Occidentaux), curieux de voir cette célébration dont la réputation dépasse les frontières du village. Si la langue sérère domine (avec quelques passages en français), le déroulement est similaire à ce que j’a pu voir dans le passé. Ce qui me frappe surtout? En plus de l’orgue (un clavier, plutôt) et d’une guitare, des tam-tams accompagnent les choristes.
Dans le rayon des anecdotes, pendant une pause, alors que l’église était silencieuse, un âne s’est mis à braire à l’extérieur. Je n’ai pas pu réprimer un éclat de rire. Oui, j’étais bien loin de la neige…
Le clou? Les gens qui se lèvent et se mettent à danser une fois la cérémonie terminée. Voilà le genre d’atmosphère festive qui donne envie de récidiver!
Si vous êtes curieux, j’ai parlé de mon Noël sénégalais avec Philippe Desrosiers à l’émission Médium Large le 25 décembre dernier (l’entrevue est dans la première partie, vers 27:30, pour ceux que ça intéresse).
Pourquoi autant de Catholiques dans ce coin de pays, au fait? Après tout, les missionnaires sont débarqués seulement dans les années 1800, alors que l’Islam était présent dès le 11e siècle! En discutant avec mon ami Jean-Baptiste Ndiaye, qui a complété un mémoire sur l’histoire des religions de la Petite-Côte et a eu accès aux notes des premiers missionnaires catholiques qui ont visité la région, j’ai eu quelques pistes de réponses.
D’abord, les Sérères sont très attachés à leurs traditions (c’est encore le cas aujourd’hui). Ils ont toujours adulé un seul dieu et privilégié la monogamie. Quand le premier missionnaire a visité Fadiouth, île faite de coquillages et reconnue pour la ferveur religieuse de ses habitants, il a rapidement noté leur aversion pour l’Islam. S’il était quasi-impossible de convaincre les Musulmans de se convertir au catholicisme ailleurs au pays (cela aurait entre autres voulu dire briser des familles), la Petite-Côte présentait le terrain le plus fertile pour prêcher. Ses collègues et lui ont dû faire du sacré bon boulot parce qu’aujourd’hui, trois des six évêques du Sénégal sont originaires de cette île minuscule.
Fadiouth compte bien quelques familles musulmanes, mais elles restent encore très minoritaires.. La cohabitation se fait sans heurt, même après la mort: le cimetière est mixte, comme d’autres dans la région. Le bon voisinnage va de soi. À Mbodienne, les Jeunes catholiques sont même allés jusqu’à offrir un haut-parleur à la mosquée (construite il y a plusieurs années). Ironiquement, tous se font maintenant réveiller par le muezzin avant même le chant du coq…
À lire également: Du coq à l’âne, Lecture et chocolat et 30 secondes à bord d’un clando.
12 Commentaires
Que c’est cool de te lire, comme si on y etait. J’adore.
Merci Brubru! XX
Très intéressant. L’histoire des Sérères me rappelle celle des Dogons au Mali, eux aussi chrétiens. Parce que très isolés, ils auraient, semble-t-il, résisté à l’envahisseur musulman… J’ai souvent l’impression que les “Africains” (je généralise, mais bon) vivent mieux que nous avec la diversité culturelle. Quand j’étais au Mali, ce sont des amis musulmans qui avaient organisé le réveillon pendant que ma coloc et moi étions à la messe de minuit (interminable, on était parties avant la fin, vers 2h du matin). Le Burkina m’a aussi impressionnée, alors que j’ai rencontré plusieurs personnes qui portaient àla fois des prénoms chrétien et musulman et où les mariages mixtes sont assez fréquents.
Ce n’est pourtant pas l’isolement qui a entraîné les Sérères à rejeter la religion musulmane. Plutôt une sorte de conflit de valeurs, à ce que j’ai compris… Difficile pour moi de comparer avec le Burkina puisque je n’y ai croisé que des Musulmans quand j’y vivais. Mais la réflexion demeure intéressante!
Ce n’est pourtant pas l’isolement qui a entraîné les Sérères à rejeter la religion musulmane. Plutôt une sorte de conflit de valeurs, à ce que j’ai compris… Difficile pour moi de comparer avec le Burkina puisque je n’y ai croisé que des Musulmans quand j’y vivais. Mais la réflexion demeure intéressante!
Très intéressant! Merci Marie-Julie
Merci Pierre!
c’est interessant cet article, je suis de cette éthnie et je confirme les propos tenus par l’auteur; les séréres sont trés ancrés dans leurs traditions c’est pour cela ils avaient dit non à l’islamisation des arabes à l’époque et avaient décidé pour cela de quitter le nord du pays pour se retrouver au centre du pays.