Ce n’est pas partir qui demande du courage. C’est rester. Il est si facile de mettre les voiles, si facile se jeter dans les bras tendus de toutes ces contrées encore inexplorées. Rester chez soi, voilà le vrai défi.
La fuite? Je trouve l’explication beaucoup trop simpliste. Dans la fuite, il y a l’envie de laisser quelque chose derrière. Moi, c’est plutôt l’envie d’aller de l’avant qui me pousse à préférer les avions au confort d’une demeure mieux meublée et mieux décorée.
Il ne faut pas chercher d’explication universelle au désir du voyage. Il ne s’abreuve pas aux mêmes sources pour chacun. Il y a certes quelques lieux communs. Le goût de l’inconnu. L’envie d’aller voir ailleurs si on y est. La curiosité dans sa plus simple expression. Mais je ne crois pas que l’idée du voyage soit déclenchée par les mêmes éléments. Elle s’esquisse tout doucement pour certains, alors que pour d’autres, elle s’impose en majuscules bold. Sa gestation est parfois plus longue que la grossessse d’une éléphante. Dans d’autres cas, elle frappe comme l’éclair. Intensément. Violemment. Une pulsion qu’on ne peut ignorer.
Je ne sais pas ce qui m’a poussée à partir la première fois. Probablement l’impossibilité de la chose. Moi, partir, alors que si peu de gens de mon entourage l’avaient fait? Oui, j’aimais le doux vertige que cette idée me procurait.
Je suis partie un jour parce que je n’avais pas d’autres choix. Parce qu’on ne peut ignorer son coeur qui bat la chamade à la seule mention d’une destination exotique. Parce qu’il y a tant devant. Qu’on ne sait pas ce qui nous attend. Et qu’y penser réveille les papillons qu’on a dans le ventre.
Non, ce n’est pas partir qui demande du courage.
Sur des thèmes similaires: Mais jusqu’où?, L’exil chez soi, Khao San Road, 10 ans plus tard.
12 Commentaires
Excellente réflexion. Ça me rejoint totalement…
Le terme “pulsion” résume bien cette chose inexplicable en effet…
Dans mon cas le 1er voyage c’est fait dans un cadre scolaire, et les semaines suivantes, je notais dans mon journal de bord “j’ai une nouvelle passion: le voyage”, depuis je saisis chaque occasion, sans me poser de questions. J’écoute simplement cette pulsion.
Et je te rejoins: rester (sans espoir de repartir) semble beaucoup plus dur!
Quand je suis partie vivre en Italie pour 1 an, un ami m’a demandé “qu’est-ce que tu fuis?”. Ca m’a marquée. Je ne fuyais rien, j’avançais. Ce n’était pas une fuite mais la recherche d’une richesse que j’ai porté avec moi depuis mon retour. L’envie de rencontrer l’ailleurs et l’autre au coin de sa rue ou à l’autre bout du monde. Voyager pour moi n’est pas se dérober à la réalité mais en rencontrer une autre.
Quand je suis rentrée d’Italie, une autre petite remarque, aux antipodes de la première, m’a surprise, alors que je faisais mes adieux à un ami ukrainien :
“- tu viens me voir en Belgique quand tu veux.
– Non
– Pourquoi?
– Parce que tu ne resteras pas assez longtemps en Belgique. Tu auras envie de repartir”.
Il avait raison.
« Pourquoi partir ? Tu n’es pas bien ici ? » C’est cette question que j’ai si souvent entendue, lorsque me prenais l’envie du voyage. C’est juste qu’à ce moment précis cette pulsion, cet élan que tu décris, me faisait comprendre que je me sentirais encore mieux ailleurs. Et que rencontrer d’autres personnes, d’autres cultures, voir d’autres lieux, m’emplir d’autres images, d’autres souvenirs, me ferait me sentir plus vivante. Cela ne s’explique pas, cela se vit.
En effet, je me retrouve aussi dans ton texte! Maintenant que je suis de nouveau “sédentaire” à Bangkok, destination pourtant pas déplaisante, je m’ennuie et ne pense qu’à une chose : repartir.
La richesse du voyage m’est nécessaire quelque part, j’ai besoin de ma dose de découverte, d’émerveillement constemment…
Tu as tellement raison Marie-Julie. Que c’est difficile rester sans avoir constamment envie de lever les voiles! C’est un énorme défi au quotidien, car cette pulsion nous habite continuellement. Lorsque l’envie devient trop forte en attendant un autre départ, je sors de la ville et fait une petite escapade à l’extérieur de Montréal. Ca permet de changer le mal de place comme on dirait de d’avoir quelques jours de répit un peu moins intense par la suite.
C’est vrai que les gens ne comprennent pas ce besoin et ont le mot fuite rapidement dans la bouche. On dirait que c’est le mot prémâché à dire à ceux qui ont un peu de difficulté avec la sédentarité. En fait je n’ai jamais compris et je suis un peu blasée de devoir constamment expliquer que ce n’est pas ca du tout. Même ma famille (oncles et tantes) demandent à mes parents depuis des années quand est-ce que je vais travailler et avoir une vie normale… euh c’est que je travaille depuis plus de 15 ans. Pour eux le fait de voyager et partir régulièrement signifie que je vis encore une vie d’adolescente. J’ai fini par lâcher prise.. après tout je ne fais pas ma vie pour les autres n’est-ce pas? 🙂 Et je sais pas toi.. mais moi j’aime bien ces pulsions qui me pousse à découvrir le monde et à rencontrer l’Autre et l’Ailleurs.
Etant une ancienne conseillere en voyages, je sais d ou viens ma passion en effet.. jai pas mal voyage mais jamais habite ailleurs que dans mon pays.. moi je bute et mes tripes en souffrent du retour… c est une pulsion de voyager, ca passe trop vite et des que je rentre, je me sens de nouveau vide… c est une situation penible.. je suis sans emploi depuis 1 mois et je n ai pas assez d economies pour tout plaquer ici et partir.. ailleurs.. j en souffre beaucoup car ici je m ennuie, c est plat, toujours pareil et je ne m emerveille plus.. je sais pourtant que ce n est pas l endroit mais l etat d esprit qui fait tout…. c est quand voyageant que je me sens vivante!! 😉 biz de Suisse
[…] Après dix mois d’enseignement, j’ai recommencé à rédiger et tourner des reportages pour La Presse et différentes émissions de télévision (Le Petit Journal, La Revanche des NerdZ, Le grand blond avec un show sournois…). J’avais le prétexte idéal pour approfondir les questions culturelles qui me titillaient. J’ai aussi étudié le chinois, mais pas assez pour tenir une conversation, comme je l’évoquais dans ce billet. […]
C’est la 2e fois que je lis ton texte et chaque fois ça fait mal tellement c’est criant de vérité. Quelqu’un m’a dit un jour: choisir, c’est renoncer. J’ai choisi d’avoir des enfants que j’aime infiniment. On a beaucoup voyagé ensemble. Mais vient un temps où il faut se poser. Le temps que mes filles se construisent une identité. Je me nourris d’espoir du jour où je pourrai partir plus de deux semaines par année. Oui, ce temps reviendra. Mais pas tout de suite. En attendant, je rêve et me torture en lisant d’autres voyageurs comme toi. 🙂
Je comprends tellement! Nous, on s’était promis de vivre une nouvelle aventure d’expatriation. Mais notre fille semble tellement bien dans son milieu, avec sa bande de copines! La déraciner me briserait le coeur. Son bonheur compense pour ces voyages et expériences que j’ai moi aussi remis à plus tard. J’ai beau avoir l’occasion de voyager souvent, rien ne vaut un voyage lent, à son rythme. Alors moi aussi je rêve en lisant les récits des autres, et je profite de chaque seconde où je me trouve sur la route! 🙂
[…] lire également: Et si le voyage rendait plus heureux que les biens matériels?, La pulsion du voyage, La bête, Quand un voyage change une vie, Les voyages qui changent la vie, Quand le voyage […]
[…] J’ai parlé à quelques reprises des difficultés de la conciliation travail-famille-voyage sur ce blogue. Mariée depuis 13 ans, je suis aussi la maman d’une fillette de 9 ans. Il m’a fallu plusieurs années avant de me sentir vraiment bien dans cette «double (triple?) vie». J’ai eu (et j’ai toujours) de nombreuses discussions avec mes proches pour m’assurer qu’eux le soient aussi. Je sais à quel point il est plus facile de partir que de rester… […]