«Décroche et profites-en!» Combien de fois ai-je entendu ce commentaire après avoir publié un statut ou une photo pendant un voyage? Je ne suis pas la seule de mon espèce. Mais selon la «police de la techno», en restant ainsi en lien avec nos réseaux, nous serions moins tournés vers les gens que nous rencontrons et moins enclins à profiter de ce qui se passe sous nos yeux.
Attendez.
Avant les cellulaires, les ordinateurs portables et autres tablettes, il y avait un machin dont je ne me séparais jamais. Ça s’appelle… un carnet de notes. Tous les jours, je le noircissais de mes impressions et de mes coups de coeur. Les rencontres marquantes m’inspiraient de longs paragraphes truffés d’anecdotes. Je prenais des tas de photos, aussi, que je faisais développer en double chez Jean Coutu. 🙂 J’ai même publié un livre grâce à quelques-uns de ces carnets ensuite transformés en courriels (et utilisé une des photos pour la couv’). Et des tas de reportages.
La différence aujourd’hui? Je publie mes photos en direct (ou presque) par le biais d’Instagram et mes vidéos par SocialCam/YouTube. Je tweete/facebooke/blogue mes impressions, mes coups de coeur et rencontres marquantes. J’emmène les gens en voyage avec moi en direct plutôt qu’en différé.
J’ai un besoin viscéral de communiquer. De partager. De créer. D’échanger.
C’est comme ça.
Peut-être parce que j’ai longtemps été enfant unique. Que j’avais des tas de correspondants (oui oui, avec de vraies lettres en papier) à l’adolescence. À cause de l’alignement des planètes à ma naissance. Ou un autre machin du genre qui m’échappe.
Égocentrique? Sûrement. Mais ce trait de personnalité faisait déjà partie de moi avant l’avènement de Facebook. Les réseaux sociaux l’amplifient probablement, mais c’est là un autre débat qui, j’avoue, a fini par me lasser. (Je trouve rapidement tout dépassé, de toute façon, en vivant aussi intensément dans l’instant. Ça ne m’a pas empêchée de réfléchir longuement à la question… il y a cinq ans.;-) Et il est loin de m’empêcher de m’intéresser aux autres.
Perso, je me vois plutôt comme un «véhicule» (un Taxi-brousse?). Je vis des choses et j’essaie de les emmener vers les autres. De faire ressentir ce que j’ai ressenti, moi, au moment où je les ai vécues. Je ne sais pas si c’est plus proche du journalisme, de la littérature, de la bonne vieille lettre ou du potin (!), mais j’ai la nette sensation de faire partie d’un nouveau mouvement où le temps présent prime sur tous les autres.
Il ne faut pas oublier non plus que je suis rarement en vacances quand je voyage. Les déplacements sont au coeur de mon boulot. Quand je fais un check-in sur Foursquare, je m’assure de me souvenir de l’endroit où j’ai goûté ce plat délicieux (parfois, avec photo et description à l’appui – beaucoup plus facile à retracer ensuite que mes notes rédigées à la main, qui sont carrément illisibles, même pour moi). Oui, je fais parfois ma show off (comme vous, admettez-le!). Foursquare reste toutefois le réseau que je garde le plus fermé parce que je n’aime pas l’idée que de purs inconnus sachent où je me trouve.
Grâce à Twitter, je tisse des liens avec des gens de partout avant de visiter leur coin de pays et je garde contact avec d’autres rencontrés au fil de mes pérégrinations (Facebook entre alors en jeu).
Antisociaux, les adeptes de réseaux… sociaux? Au contraire! Je n’ai jamais autant vu de monde, tant en réel qu’en virtuel. Il faut dire qu’ils conviennent totalement à mon mode de vie. Je suis pigiste. Je travaille la plupart du temps de chez moi ou des destinations où je me trouve. Comme je le disais dans les entrevues accordées à gauche et à droite en 2008-2009, quand nous étions encore bizaroïdes de nous exprimer en 140 caractères, pendant que certains prennent des pauses «cigarettes» au bureau, moi, je prends des pauses «réseaux sociaux» habillée en mou. Souvent. Ma capacité d’attention était déjà réduite depuis longtemps. Baignant dans le Web depuis le milieu des années 1990, je «pense» en hyperliens depuis belle lurette. Avant, on appelait ça la culture du zapping. Autre temps… même maudite affaire, au fond.
Quand les gens me demandent pourquoi je passe autant de temps sur les réseaux sociaux, ma réponse est simple: je ne regarde plus la télé. J’ai déplacé ce temps passif en temps de lecture et d’interaction avec des gens qui peuvent être au coin de ma rue comme à l’autre bout du monde.
Vous êtes outrés quand vous voyez des gens penchés sur leur cellulaire respectif au resto? Où est la différence avec le bon vieux journal? Tout est une question de perception…
En voyage, je fouille sur mon cell comme jadis dans un guide. J’utilise les outils qui se trouvent au bout de mes doigts plutôt que de déplier une carte trahissant mon statut d’étrangère.
Oui, nous exagérons souvent avec nos téléphones intelligents. Nous parcourons les actualités en marchant, nous textons en traversant la rue, nous ne pouvons nous empêcher de jeter un coup d’oeil à nos nouveaux messages en pleine réunion. Mais je trouve que les «anti» exagèrent aussi et ne prennent pas la peine de faire le tour de la question avant de trancher.
Une discussion sur Facebook à propos de cette jeune femme qui, distraite par son cellulaire, aurait perdu la vie en tombant entre deux wagons de métro m’a fait réfléchir. J’en reviens cependant toujours au même constat: les réseaux sociaux ne font qu’amplifier nos traits de caractères dominants.
J’ai toujours été dans la lune. Combien de fois suis-je descendue du bus un coin de rue trop loin parce que j’étais perdue dans mes pensées? Trébuché parce que je regardais les étoiles plutôt que le sol? Foncé dans quelqu’un dans une station de métro parce que je voulais terminer le chapitre d’un roman passionnant? Ce tragique accident aurait pu m’arriver à moi aussi cette semaine ou… il y a 20 ans.
Le mot «dépendance» est rapidement prononcé quand il s’agit de technologie. Dit-on de quelqu’un qui regarde la télé pendant plusieurs heures quotidiennement qu’il en est dépendant? Peut-être pas aujourd’hui. Mais parions qu’il se faisait rapidement étiqueté au moment où la télé a fait son apparition.
Je reste tout de même critique envers certaines utilisations moi aussi, remarquez. J’ai beau aimer le téléphone cellulaire, la manière dont certains l’utilise me rend complètement dingue. Comment peut-on passer tout un trajet Québec-Montréal en appel conférence comme si on était seul dans le train (cas vécu)? Pourquoi raconter très fort les détails de son voyage initiatique en Inde pendant plus d’une heure dans un autobus bondé, à une heure où tout le monde souhaite se reposer (rebelote)? Pourquoi ne pas désactiver les sons de son téléphone? Ce qui m’énerve le plus des cellulaires n’a rien à voir avec l’objet lui-même. C’est le comportement de certains utilisateurs qui m’irrite.
À chacun sa façon de communiquer. Moi, je préfère le faire par écrit, que ce soit sur mon ordinateur, ma tablette ou mon téléphone (mais pas à la main, je n’arrive plus à me relire!). J’ai développé, avec les années, une profonde aversion pour les appels. Parler au téléphone? Je déteste. Surtout en public.
L’avènement des réseaux sociaux n’a pas fait de moi une personne recluse. Au contraire: je n’ai jamais reçu autant d’invitations. Eu autant envie de sortir. J’ai rencontré tant de gens intéressants par l’intermédiaire de Twitter! Plusieurs sont d’ailleurs aujourd’hui de bons amis que je prends énormément de plaisir à voir en chair et en os (malheureusement, le nombre d’heures dans une journée est resté le même…).
Quand je prends part à des conférences ou à des événements internationaux, j’aime établir un premier contact avec les collègues qui y seront avant de quitter la maison. Je le disais déjà en 2008: pour moi, les réseaux sociaux permettent de sauter le malaise de la première rencontre. La glace est déjà brisée. On peut entrer directement dans le vif du sujet. Avoir une bonne idée des atomes crochus – ou pas – qu’on a avec des gens.
Chose certaine, qu’on le veuille ou non, les réseaux sociaux sont en train de révolutionner notre rapport au monde.
L’un des bons côtés? Si vous me trouvez trop intense, il est facile de cesser de me suivre. 😉
P.S.: Pour en revenir à la question initiale du «décrochage», oui, il m’arrive de me débrancher en vacances. Surtout quand WiFi n’est pas accessible! :-)))
P.P.S.: Pour ceux qui ne le savent pas, avant de faire des voyages mon créneau principal, j’étais chroniqueuse/journaliste/reporter techno (Génération W, Double Clic, Branché, Guide Internet, La Revanche des NerdZ… alouette!).
Si vous souhaitez toujours me suivre, vous me trouverez sur Twitter, Instagram (@Technomade) et Facebook.
14 Commentaires
Moi aussi maintenant je préfère garder contact par écrit plutôt que par le biais du téléphone. Disons que je suis plus Facebook que Skype. Et dire que j’ai passé mon adolescence accrochée au bout du fil 😉
Même chose pour moi. Je passais des heures au téléphone avec ma meilleure amie!!! Maintenant, je grogne chaque fois que mon téléphone vibre (parce que bien sûr, j’ai désactivé tous les sons…;-)
Ceci est durement un texte de cruauté pour certains, pour rien pour d’autres. Mais voici un texte d’une actualité sociologique époustouflante.
Cette nouvelle technologie est une révolution identique à celle de l’imprimerie. L’imprimerie rendait le savoir accessible à celui où celle qui le voulait. Les réseaux sociaux et internet font disparaître temps et presque l’espace.
Au début de l’imprimerie, les riches et commercants des voyageurs pour qu’ils leur envoient des lettres qui décrivaient le monde et les possibilités d’affaires qu’ils voyaient! Les aventuriers prenaient des notes et publiaient des livres.
Les voyageurs d’aujourd’hui racontent leurs émotions et vommentaires dans l’instant! Ils accompagnent le tout de photos ou de films. La voyageuse ou le voyageur sont l’occasion d’apprendre sur l’autre ou l’ailleurs dans l’instant et non dans un futur lointain!
Et, je rédige tout ceci sur un téléphone intelligent qui ne me rend pas plus intelligent! Il m’aide cependant à vivre agréablement ce présent avec qui voudra le faire. C’est comme jeter une bouteille à la mer! Mais il peut y avoir des certaines de cueilleur ou aucun. Ça ne change rien.
Bonne journée
J’avoue appartenir à la catégorie qui décroche en voyage. Fini le rythme effréné du web ou on lit des trucs en diagonal à fond les manettes. Je passe en mode “tranquille”.
Après, chacun fait comme bon lui semble bien sur. Ce qui m’irrite en fait, c’est que de plus en plus souvent, dans les espaces communs des auberges, là ou traditionnellement les gens discutaient entre eux, c’est fini, la moitié est scotchée devant son laptop ou son smartphone à discuter avec sa “tribue” et n’échange plus avec les personnes présentes.
C’est vrai que les gens sont de plus en plus penchés sur leurs bidules électroniques dans les auberges. De la même manière que les voyageurs l’étaient sur leurs guides, magazines ou bouquins avant… 😉 Cela dit, j’aime parfois passer en mode (plus) «tranquille» moi aussi pendant mes (trop) rares vacances.
Ah, ah ! Tout pareil !!! 🙂 Je peux décrocher moi aussi… quand il n’y a pas de wifi !!! 😆
Je me retrouve en tout point dans tous tes arguments, fort bien déroulés.
J’ai des amis qui n’aiment point Facebook et ne veulent pas y être, parce que, disent-ils, ils préfèrent “passer du temps avec de vrais amis”…
Comme si l’un empêchait l’autre !!!! Bien au contraire !!!
Quand il fait -1000 ici, j’apprécie doublement ma «vie sociale parallèle»… 😀
Le carnet et le partage oui je l ai toujours fait, avant et encore maintenant, j adore ta façon de le décrire, ça me correspond bien.
Par contre à plusieurs je trouve smart phone carnet et journaux terrible à table! Sauf au petit dej.. Ou je trouve ça chouette, car à chaqun de démarrer sa journée…
Merci pour ton post… Il permet de mettre en perspective… Se rappeler et continuer
Bonjour à toi
Je lis tes arguments…plusieurs sont une réalité et peuvent contribuer à améliorer le quotidien, je suis d’accord; utilité en voyage, dépannage, nouveaux contacts, briser la glace et j’ajouterais pour notre sécurité, suivre notre jeune etc. Mais quand tu dis qu’au resto entre copines, ce n’est pas pire que lire son journal… ouf,l’argument ne tient pas. Jamais je n’ai vu des gens au resto par plaisir, lire son journal dans la face des autres, Là aussi ce serait de l’impolitesse. Malgré les arguments de mes filles ou des tiens, je ne peux m’empêcher de trouver votre utilisation excessive très désagréable. Voici des exemples vécus cette semaine. Nous sommes avec un couple d’amis au théâtre, ils ont été rivés à leur courriel et texto au moins 3 fois et la lumière a dérangé les gens de l’autre côté. Leur tête était ailleurs. Puis un papa qui semblait avoir la garde de son enfant était au resto avec lui et je vous jure que s’il lui a parlé 5 minutes, c’est beau, le cell étant bien plus intéressant…à ça en fait pitié. Puis quand je m’entraîne au gymn, combien de fois un jeune (car oui c’est pratiquement toujours cette génération) bloque l’appareil sans l’utiliser et texte malgré l’interdiction de l’amener en salle. Je sens vraiment de la dépendance, pas une heure sans pouvoir sans servir semble impossible. Même au volant plusieurs fois…en voyage aussi (et pas lors d’un voyage d’affaires).Il est maintenant excessivement rare de voir un(e) jeune regarder devant lui sans cell à la main, c’est remarquable! Je n’aimerais pas qu’on me suive partout et qu’on puisse me rejoindre en tout temps, je le ressens comme de l’agression et un manque total d’une certaine liberté. Oui,je persiste à dire que les téléphones intelligents créent de la dépendance et je préfère encore entendre la voix et l’intonation d’une amie, beaucoup plus personnel et chaleureux.
Il peut effectivement être intéressant, à l’heure actuelle, de s’intéresser aux outils technologiques ainsi qu’aux réseaux sociaux, et notamment à leur utilisation lors de voyages. Si ces outils sont précieux, et permettent de partager des photos, des vidéos ou bien des notes en temps réel, leur utilisation peut en effet mener à une forme de repli sur soi. On peut cependant se demander si ce repli sur soi ne contribue pas directement à l’appréciation du voyage; passée la surprise de la découverte, il est aussi important de pouvoir réfléchir à ce que l’on voit (ou découvre), et les outils technologiques nous le permettent…
Ton utilisation des technologies en voyage est selon moi très bonne et maximisée!
J’avoue avoir également du mal à décrocher, même en étant à l’autre bout du monde.
D’ailleurs c’est un peu pour cela aussi que je n’emmène jamais de téléphone portable.
Bon je me rattrape avec la tablette pour avoir au moins accès à Facebook, Twitter et autres trucs bien addictif du genre… Puis finalement ça a aussi un coté rassurant de se dire qu’en cas de coup dur, on aura la possibilité de joindre ces proches.
Et puis il faut bien alimenter nos chers Blogs aussi… Et là, le bloc note et le crayon risquent d’être insuffisant.
Bon après, il est vrai que ça fait parfois du bien de pouvoir décrocher et de profiter à fond sans “bidules” électroniques hyper connectés!
Ton article est très intéressant en tous cas, et c’est assez marrant de voir (à travers les divers commentaires) la façon dont les autres blogueurs gèrent la technologie en voyage !
Cédric @ Pixels du bout du monde
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