Deux petites heures à moi toute seule. Ça n’arrive jamais le week-end. Je suis dans un café et je bois du temps. Ça goûte bon la caféine saupoudrée de temps. Je devrais faire avancer ce putain de roman qui tourne en rond. Ou, mieux, bosser sur les projets qui risquent de me faire gagner du fric. Mais je magasine les billets d’avion. Je dois aller à Paris, officiellement pour un reportage. En réalité, je dois aller à Paris parce que je n’ai pas encore goûté les délices de L’éclair de génie, que je ne supporte pas l’idée d’attendre jusqu’à avril pour voir Le casse-tête chinois et que j’ai envie de prendre une grande bouffée d’Europe et de solitude.
Paris, en touriste, c’est le bonheur. Surtout quand on a pas besoin de parler. De là le plaisir d’y aller seule. Anonyme. Apatride. Quand j’ouvre la bouche, c’est pour commander à manger. Je gomme toute trace de mes origines, histoire de ne pas me taper une énième remarque sur mon «accent» (qu’ils sont chiants les Français avec ça!).
J’aime Paris comme j’aime toutes les grandes villes: parce qu’on m’y fiche la paix et que j’ai enfin le droit d’être invisible. Sans étiquette. Sans identité. Sans bagage. J’ai l’impression d’avoir passé les douze dernières années à écrire là-dessus. Je n’y peux rien. Ici, le poids du moi est trop lourd. Ailleurs, je ne suis personne pour personne et ça fait un bien fou.
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Une dame me demande avec quoi j’écris. «iPad mini.» Je perds le fil. Je perds toujours le fil…
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Deux petites heures à moi toute seule. J’ai presque fini mon café. Des larmes se bousculent dans mes yeux comme chaque fois que je caresse enfin mon clavier pour autre chose que des obligations professionnelles. C’est si bon… Je ravale. C’est comme ça qu’on doit faire quand on est grand, non? On ravale les rêves parce qu’il y a l’hypothèque à payer. Tant pis pour les mots coincés, là, qui se transforment en larmes. Des larmes qu’on se dépêche d’emprisonner parce qu’il ne faut surtout pas les montrer…
Et je me prends à nouveau à rêver d’exil, de longues parenthèses en tête-à-tête avec mon écran, d’écriture libre. Libre…
J’ai soif d’ailleurs et de temps à boire au goulot. J’ai soif de moi, anonyme, apatride, nue.
Deux petites heures. Putain de dualité. Je prendrais bien un éclair à la pistache.
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9 Commentaires
Bonjour Marie Julie,
je trouve ça super dommage que tu renonces à tes envies de littérature pour des histoires d’argent. Tu n’as jamais envisagé de faire financer ton livre par crowdfunding ? Pour les prêteurs, ce serait comme un achat et pour toi comme un revenu avant publication. Ca te donnerait la liberté de te consacrer à ce que tu as vraiment envie d’écrire. Je suis sûr que la communauté de ceux qui font confiance à ta plume seraient ravis de t’apporter son soutien. Pour moi, le crowdfunding sert à ça : aider les gens qui ont des passions, du talent et des projets en tête à les transformer en réalité. C’était la suggestion du jour 😉
C’est gentil, mais si je refuse désormais de signer des contrats d’édition avant d’avoir terminé un bouquin (avec avance de droits d’auteur) parce que c’est trop de pression, je vivrais encore plus mal avec l’idée de devoir quoi que ce soit à d’éventuels lecteurs. Par ailleurs, si le crowdfunding convient à certains projets, je trouve qu’il s’applique moins bien quand il s’agit de création. Et puis, on est tellement sollicités… Je finirai bien par aller au bout de ce livre de fiction. Je suis en train de trouver des solutions… Merci! 🙂
Merci de partager.
Juste un petit mot pour te dire que je comprends tes dilemmes et que je t’envoie un câlin virtuel en te souhaitant de trouver tes solutions.
(C’est vrai qu’à force de te lire on a l’impression de te connaître plus que tu nous connais…)
Marie-Julie, qu’elles sont touchantes ces lignes… c’est beau de réussir à se livrer ainsi (j’avais écrit “librer”) avec sincérité et poésie.
Et je retiens que tu passes à Paris: chouette chouette, auras-tu le temps de caser dans ton agenda une rencontre avec une lectrice-blogueuse admirative?
Ça, c’est certain! À bientôt… et merci! 🙂
Oufff que d’émotions dans ce billet Marie-Julie! Tu réussis très bien à nous la faire ressentir. Nostalgie d’un temps révolu où tu avais le temps d’écrire pour le plaisir, mais aussi de vivre le voyage à ta manière…ou ta passion te faisais vivre et non que tu vivais de ta passion. J’espère que tu auras la chance de profiter pleinement de Paris en te laissant guider par ta simple spontanéité et tes envies. Juste pour le plaisir de galérer et te faire plaisir. Passe de joyeuses fêtes en passant 🙂
Oh comme je te comprends. J’en suis presque venue à adorer les pannes de courant 🙂
Il fait si bon faire aller sa plume. Parfois, je laisse la techno à la maison et je pars carnet en main prendre un café, au coin, comme ça. Ça fait tellement de bien!
Dommage que je n’ai pas le budget pour être mécène! Et pour Paris je te comprends 🙂 La dernière fois pour moi c’était il y a 2 ans et demi. J’avais largué les schtroumpfs en Bretagne pour retrouver seule Paris (et mes vieux potes). 4 jours de pur bonheur, malgré la pluie et le froid en plein mois de juillet! Je te souhaite plein de contrats mirifiques en 2014 pour que tu puisses t’offrir des pauses roman.