De Saint-Germain-des-Prés au boulevard Montparnasse, plusieurs lieux sont associés au Paris littéraire. Les Fitzgerald, Hemingway et autres écrivains américains en ont fait leurs quartiers généraux à l’époque de la Prohibition. L’âme des Rimbaud, Verlaine, Mallarmé et autres Prévert semble toujours flotter entre les tables aujourd’hui occupées le plus souvent par les touristes.
Comment ne pas penser à Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir en pénétrant au Café de Flore, devenu leur second chez-soi? Sartre a d’ailleurs décrit l’endroit ainsi : «Nous nous y installâmes complètement: de neuf heures à midi, nous y travaillions, nous allions déjeuner, à deux heures nous y revenions et nous causions alors avec des amis que nous rencontrions jusqu’à huit heures. Après dîner, nous recevions les gens à qui nous avions donné rendez-vous. Cela peut vous sembler bizarre, mais nous étions au Flore chez nous.»
Alors que je passe généralement en coup de vent devant tous ces endroits mythiques, je me suis régalée, en janvier dernier, en ayant comme prétexte la rédaction d’un reportage sur le Paris des livres. Je suis bien sûr arrêtée au Café de Flore (j’avoue: c’était au moins ma quatrième visite…). J’ai aussi franchi le seuil du café voisin, Les Deux magots, pour la première fois.
Je me suis rendue à La Closerie des lilas en plein milieu de l’après-midi. L’endroit était désert. En sirotant un cocktail à base de champagne (avec de l’absinthe), je me mise à imaginer les conversations qui devaient avoir eu lieu, là, tout près de moi. Je ne sais pas si c’est le champagne ou la fée verte, mais je n’aurais pas été étonnée d’entendre Simone ou Jean-Paul me glisser un mot à l’oreille.
Puis, un groupe de touristes d’un certain âge a fait son entrée. Je suis revenue en 2014.
J’ai sorti mon iPad.
Plus tôt ce jour-là, je m’étais arrêtée du Musée Carnavalet, dans Le Marais. J’avais ainsi pu voir la chambre de Marcel Proust et le lit dans lequel il a dormi de l’âge de 19 ans jusqu’à sa mort (!). Deux jours auparavant, c’est à Victor Hugo que j’avais rendu visite. J’ai beau avoir aimé m’approcher de son univers, ce qui m’a le plus marquée est la vue sur la Place des Vosges. Impossible de ne pas passer ses journées les yeux rivés sur cette vue, me répétais-je, alors que la voix dans l’audioguide me racontait les moments marquants de la vie de l’écrivain.
Paris n’est pas qu’une ville pour moi. C’est le monde imaginaire dans lequel je m’évadais déjà, enfant. Le temps n’a eu aucune emprise sur le rêve. J’ai beau voir ses mauvais côtés, la Ville Lumière me donnera toujours l’impression d’entrer dans les pages des livres ou dans les scènes des films (et même des dessins animés!) qui m’ont marquée au fil des ans. La réalité, c’est pour les autres de toute façon.
Pratico-pratique:
• Plusieurs agences proposent des visites guidées sous le thème de la littérature. C’est le cas de Dédale. «Paris a fasciné les auteurs depuis toujours et tout Paris est visitable sous l’angle de la littérature», affirme Aurore Juvenelle, guide-fondatrice de l’entreprise, qui organise des parcours selon différentes thématiques.
• Si l’on doit se limiter seulement à un ou deux quartiers, lesquels devrait-on privilégier? La guide hésite: «C’est finalement une question de goûts… Parmi les classiques incontournables, il y aurait sans doute Saint-Germain-des-Prés, et tout le Paris détruit par Haussmann au 19ème (le centre de Paris – quoique l’on puisse l’appliquer à tout Paris: Zola parle beaucoup du quartier de l’Opéra, du 18ème arrondissment qui est totalement au nord).»
• Les incontournables d’Aurore Juvenelle: «À brûle-pourpoint, je dirais La place Dauphine, sur l’Ile de la Cité, avec à l’esprit cette phrase d’André Breton : “Il me semble aujourd’hui difficile d’admettre que d’autres avant moi, s’aventurant sur le place Dauphine par le Pont Neuf, n’aient pas étés saisis à la gorge à l’aspect de sa conformation triangulaire et d’ailleurs légèrement curviligne et de la fente qui la bissecte en deux espaces boisés. C’est à ne pas s’y méprendre, le sexe de Paris qui se dessine sous ses ombrages” (La clé de Champs, 1953). »
• La maison de Victor Hugo se trouve au 6 Place des Vosges, dans le Marais. La visite est gratuite (sauf l’exposition temporaire). En déambulant dans les différentes pièces, on en apprend plus sur sa vie. La location d’un audioguide est à conseiller.
• La maison de Boris Vian peut aussi être visitée, mais il faut en faire la demande à l’avance. C’est ce que m’a appris l’auteure, journaliste et réalisatrice Katia Chapoutier, qui prépare justement un livre sur Paris (je l’ai interviewée dans le cadre d’un reportage sur le Paris des Parisiens qui sera bientôt publié sur MSN.ca). Aurore Juvenelle explique comment repérer l’endroit: «Au niveau du 94 Boulevard de Clichy (18ème arrondissement), on rentre dans une petite impasse qui s’appelle la cité Véron. Au numéro 6, il y a la maison de Boris Vian, transformée en musée qu’on peut visiter sur demande.»
• La maison de Romain Gary se trouve au 108 rue du Bac, dans le 7ème arrondissement.
• Le Musée des lettres et manuscrits se trouve au 222 boulevard Saint-Germain, dans le même arrondissement, selon la guide. «Ce musée conserve des manuscrits originaux des plus grands auteurs dans lesquels on voit donc leur écriture originale, poursuit-elle. Certains auteurs écrivent dans un jet, d’autres raturent beaucoup, c’est génial! Et tant qu’à être dans le quartier, on arrive à Saint-Germain-des-Prés où officiaient Vian, Sartre, etc.»
• La blogueuse Valerie Thibault a quant à elle beaucoup apprécié la visite de la maison de Balzac, au 47 rue Raynouard (métro Passy), comme elle l’a raconté sur son blogue La déroutée. « J’étais toute seule qui visitait l’appartement de Balzac qui, nous dit-on, est la seule demeure parisienne de l’auteur qui a résisté au temps, écrit-elle. Il y aurait corrigé toute la Comédie humaine (137 oeuvres!) entre 1840 et 1847. Un petit appartement de cinq pièces qui nous fait sentir toute la grandeur de l’oeuvre balzacienne, ces petites chambres où vécut un homme qui a créé toute une société dans son imaginaire (dans une pièce on retrouve d’ailleurs la généalogie d’une grande partie de ses personnages), avec tant de minutie et de précision. Entourée de ce qu’il reste de ses objets personnels, de son bureau, je me suis dit: “wow”.»
• L’admission au Musée du Carnavalet est gratuite, sauf pour l’exposition temporaire. J’y ai passé beaucoup plus de temps que je l’aurais cru. Une belle découverte!
• Aurore Juvenelle compare la Ville Lumière à une personne. «Faire une visite amoureuse de Paris, corporelle… Pour les bras par exemple, il y a la Seine, et les nombreux poèmes qui ont été écrit sur elle (de Verlaine à Prévert), pour le ventre il y a les Halles (Le ventre de Paris de Zola). Et puis fontaine des Innocents, juste à côté, ancien plus vaste de cimetière de Paris: Le Parfum de Patrick Suskind. Car c’est là que nait Jean-Baptiste Grenouille, au milieu du marché au poisson (il faut savoir qu’avant les cimetières étaient des zones détaxées, donc on avait coutume de les utiliser comme place du marché!)… Mais on a aussi le 5ème arrondissement où vivait Hemingway, d’où il nous a écrit Paris est une fête.»
(Quelques extraits de ce texte ont été publiés sur Le Huffington Post Québec le 4 février 2014.)
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Merci à Loc’appart, qui m’a permis d’occuper l’un de ses appartements pendant la préparation de ce reportage, et à Atout France pour le coup de pouce logistique. Merci aussi à tous ceux qui m’ont refilé plein de tuyaux pour la rédac de ce reportage, notamment Aurélie Croiziers et Paul Brisson.
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7 Commentaires
Ah le genre d’article que j’adore, merci pour les découvertes! J’ignorais l’existence du Musée des Lettres et manuscrits, et je ne savais pas que la maison de Boris Vian pouvait se visiter! J’ai tout d’un coup envie de retourner à Paris là… Petit détail: à mon avis, il manque les cimetières dans ta liste du Paris littéraire. C’est évidement moins magique que de s’imaginer des écrivains en train d’avoir une conversation sur une table voisine, dans un café, mais ça ancre toutes ces images dans le réel. Je ne pourrais m’imaginer un périple «littéraire» à Paris sans un passage dans la crypte du Panthéon ou encore au cimetière du Montparnasse…
Merci! Tu as raison, les cimetières devraient faire partie de la liste. Pourquoi ils m’y sont pas? Parce que je les déteste, tout simplement! 🙂
C’est une bonne excuse! Pour ma part, les cimetières, en voyage, je me dis que c’est un peu comme des endroits érigés à la mémoire d’événements tragiques; ça ne me tente pas nécessairement d’y aller, mais j’ai l’impression que «je dois y aller», par respect ou par reconnaissance. Ça transporte dans une autre dimension, je trouve; ça replace l’histoire et les souvenirs dans la réalité. (En passant, merci encore pour la citation ;))
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