J’exerce un métier très mystérieux pour plusieurs. Je passe beaucoup de temps sur la route. Je chronique, j’écris, je tweete, je Facebooke et j’Instagramme à qui mieux mieux.
J’ai écrit un long billet portant le titre «Je ne suis plus journaliste» il y a quelques temps. Contrairement à mon habitude, je ne l’ai pas publié sous le coup de l’impulsion. J’ai ressenti le besoin de le laisser mûrir. Je ne l’ai pas (encore, du moins) mis en ligne pour une raison très simple: même si je ne me définis plus comme journaliste, je le serai toujours beaucoup plus que bien des gens qui s’auto-affublent de ce titre. Ce métier fera toujours partie de ce que je suis.
Pourquoi allais-je écrire que je ne suis plus journaliste, alors? Parce que depuis janvier, j’ai accepté deux contrats de porte-parole pour des campagnes d’Expedia.ca. Pourquoi avoir accepté, alors que je ne cesse de faire de beaux discours sur l’éthique? Très simple: 1- Ils me paient très bien. 2- Ils ne me demandent rien d’autres qu’être moi-même. Quand je fais une chronique télé en lien avec eux, je travaille exactement de la même manière qu’en tant que pigiste. 3- Les deux campagnes pour lesquelles j’ai dit «oui» sont tout à fait en accord avec mes goûts/valeurs/intérêts. Plus que bien des sujets sur lesquels des réd chefs m’ont demandé d’écrire au cours de ma carrière! 4- L’équipe est super-chouette. 5- Les médias qui publient des reportages sur les voyages étant de plus en plus rares (et les cachets offerts, de plus en plus bas), je dois diversifier mes sources de revenus.
Ça fait maintenant 20 ans que je galère dans le monde des communications. J’ai vendu mes premières histoires à des médias à l’âge de 17-18 ans. À 21-22 ans, j’écrivais dans La Presse, ELLE Québec et autres noms prestigieux. Je «chroniquais» dans des émissions de télévision. J’ai été publiée au Canada, en France, en Belgique et à Taïwan. Pistonnée? Pas pentoute. J’ai tout fait seule, comme une grande. Frapper aux portes. Convaincre (parfois maladroitement). M’obstiner. Réajuster le tir. Travailler. Travailler encore…
J’ai porté les chapeaux de journaliste, de conceptrice, de recherchiste, de scripteure télé, d’auteure, de rédactrice en chef et plein d’autres qui font joli sur un c.v. Mais plus le temps passe, plus j’ai besoin de liberté. Moi, dans un bureau de 9 à 5? L’horreur. Je piaffe d’impatience. Je tourne en rond. J’ai envie de prendre l’air.
C’est ce que je fais principalement depuis cinq ans.
L’un de mes objectifs en lançant Taxi-brousse il y a six ans était clair: réorienter ma carrière de sorte à faire du voyage le pivot de mes autres projets. Alors oui, je prends l’air. Le plus souvent possible. Aussi souvent que ma vie familiale le permet, en fait. J’emmène parfois fille et mari. Mais j’adore aussi partir seule, avec des copains et avec des collègues. Il ne me vient même pas à l’esprit de demander les salaires offerts aux chasseurs de tête qui m’appellent de temps en temps. Pour moi, ce mode de vie n’a pas de prix.
Le monde de la pige a subi d’importantes transformations ces dernières années et pas pour le mieux. Les salaires sont plus bas que jamais (sauf exceptions). La game a complètement changée avec l’arrivée de joueurs comme QMI (ai-je vraiment besoin de revenir sur le sujet? Non, je ne signe pas de contrats qui me délestent de mes droits d’auteur ET de mes droits moraux!). La Presse exige maintenant que les pigistes de la section «Voyage» défraient eux-mêmes le coût de leurs escapades (qui a les moyens de payer pour travailler?). Tout le monde et n’importe qui s’improvise aujourd’hui travel writer (que les pros qui sont invités à prendre part aux tournées de presse n’arrivent plus à vendre leurs textes à de gros médias n’aide sûrement pas). Le journalisme voyage est un métier en soi. Pas une “récompense”. Il faut des années, beaucoup de recul et une sacrée bonne plume pour en faire une carrière. Et je ne parle même pas des coupures, partout. Bref. J’ai élaboré sur tous ces sujets dans le looong billet que je n’ai pas publié, mais ce n’est pas de cela dont j’ai envie de parler aujourd’hui.
J’ai plutôt envie de répondre à la question qui coiffe ce texte, l’une de celles qui revient le plus souvent (et que l’animateur Gilles Parent m’a aussi posée récemment). Comment je gagne ma vie? C’est simple: je fais 36 affaires en même temps comme je l’ai toujours fait.
Personne ne me rémunère quand je suis en voyage. Ce sont les histoires que je vends ensuite qui me permettent de payer l’hypothèque (et mes crisses de taxes). J’ai eu de longues discussions avec des copains blogueurs (surtout étrangers) qui, eux, exigent que les offices de tourisme les paient. J’ai retourné la question dans tous les sens au cours des dernières années, mais rien à faire: je ne suis toujours pas à l’aise avec le concept. Je ne fais pas de la pub: je raconte et j’informe. D’ailleurs, à ce jour, il n’y a toujours pas de publicité sur Taxi-brousse. Je songe éventuellement à en intégrer, mais je n’ai pas encore trouvé la formule qui me convient (sous-entendre: qui me rapportera le plus avec le moins d’effort et de bizounage technique possible).
Un office de tourisme me propose d’écrire un billet ou un reportage pour son magazine ou son site Web? Je le ferai avec plaisir. Idem pour les vidéos. Et bien sûr que j’exigerai d’être payée! Je traite la chose de la même manière qu’un média qui me passe une commande. C’est différent quand c’est dans «mon» espace.
Alors non, ma vie n’est pas simple. Chaque fois qu’on m’invite quelque part, je m’assure d’avoir au moins trois endroits où je pourrai vendre article, billet ou chronique (web, télé, radio, magazine, journal…). Sinon, ça ne vaut tout simplement pas le coup de faire le voyage. Le plus important pour moi: garder le cap de ma ligne éditoriale. Je sais exactement où se trouve la frontière que je ne veux pas traverser. Mais ce n’est pas toujours aussi net de l’extérieur. Et oui, je refuse catégoriquement les demandes de tweets sponsos (j’hallucine quand on me raconte que des «influenceurs» demandent des montants exorbitants pour parler d’un produit ou projet sur Twitter SANS LE DIRE)!
J’accepte aussi des contrats en sideline. J’anime – avec grand plaisir! – les réseaux sociaux de TV5 à temps partiel depuis maintenant deux ans. C’est la chaîne qu’on regarde le plus à la maison. Le contenu est de grande qualité, alors ce n’est absolument pas une corvée pour moi d’alimenter les discussions sur Twitter, sur Facebook et sur le blogue. Vive les boulots qu’on peut faire de n’importe où!
Je fais aussi quelques contrats de rédaction ici et là. Je viens d’accepter de travailler sur un livre qui n’a rien à voir avec le voyage, mais qui devrait être amusant à faire. Et, comme je le mentionnais d’entrée de jeu, j’ai dit «oui» deux fois à Expedia.ca en janvier et en mars. Le referai-je? Tout dépend du projet, de l’implication demandée et du salaire offert. Non, je n’associerai jamais mon nom à une compagnie de bagnoles! 😉 L’important, comme je le disais, est de garder ma ligne édito, ma transparence… et ma liberté. La plus grande liberté est d’ailleurs la possibilité d’être 100% moi peu importe le projet. Ça, ça vaut toute la sécurité et la stabilité du monde. Et puis, sécurité et stabilité viennent souvent avec un minimum de courbettes à faire. Pas mon truc.
Les années m’ont appris à ne pas mettre tous mes oeufs dans le même panier et à dire non. Souvent. Je préfère boire moins de champagne plutôt que de me faire chier. Et ne pas avoir de beaux meubles et voyager plus souvent…
What you see is what you get. Toujours.
D’autres questions?
Pour ma bio, c’est par ici.
À lire également: Récidiviste, Get a life… or a sofa, Je suis comme je suis, Taxi-brousse a six ans!
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18 Commentaires
Ton billet m’a fait plaisir à lire. Je suis comme cela aussi: je dois faire ce que j’aime et rester moi-même. Pour ma part je suis employé, mais libre! Je ne crois plus à la sécurité d’emploi depuis quelques années. Mon travail me fait voyager pas mal aussi, alors au plaisir de voyager avec toi un de ces jours…
Incroyable qu’on ne se soit encore jamais croisés à l’aéroport!!! 😀
Super intéressant !
Merci Marie-Julie de t’être ainsi livrée.
Pour moi (comme pour beaucoup je crois): tu es un modèle 😀
Bon vent à toi (et surtout bons voyages)
Merci!!! À bientôt! XX
Wow! Bravo Marie-Julie… Tu traduis exactement pourquoi j’ai cessé d’être journaliste, même si, comme toi, je continuerai à l’être parce que ça fait partie de moi! Merci!
😉 Merci!
Super intéressant et merci pour tous ces détails.
Et tu as un million de fois raison, moi aussi, j’ai toujours mis ma liberté devant tout le reste, quitte à ne pas gagner d’argent du tout! Et en effet, tu es un modèle. Continue comme ça.
Merci miss!
très bon papier 🙂
Merci!
Liberté, liberté chérie… Ma dernière carte de presse date de 2012 et je crois bien que ce job est fini et les journalistes doivent se réinventer !
Je crois que tu serais la porte-parole idéale pour un Toyota landcruiser. Cela permet d’atteindre bien des coins reculé… 😉
HAHAHA! NON!
Encore un bel article où tu nous dévoile la face cachée de ta vie professionnelle (est ce bien le terme..?) L’important dans le boulot c’est de prendre plaisir à ce que l’on fait.
Petite question, comment fais tu si tu t’engages à écrire un article sur une activité offerte mais qu’au final t’es très déçue par la prestation proposée?
++
Justement: je ne m’engage pas. Généralement, je préfère parler de mes coups de coeur plutôt que de “trasher” quelque chose. Tant d’éléments peuvent influencer notre appréciation! Les nuances restent importantes, même quand on adore.
Chère Marie-Julie, merci pour ta transparence et les questions auxquelles tu réponds (directement et indirectement aussi), c’est généreux de ta part, intéressant, instructif et rafraichissant!
Juliex
Merci Marie-Julie pour ton témoignage !
En espérant que les mentalités changent en France. Il semblerait qu’écrire sur le voyage ne soit qu’un “loisir” pour beaucoup d’agences et de presta tourisme. J’espère que le Salon des Blogueurs et autres initiatives de ce type aident à nous crédibiliser 😉