Même si je suis née à la campagne, je n’ai jamais été très portée sur les activités en forêt. Le mot «camping» suffit à lui seul à provoquer chez moi des démangeaisons pré-piqûres de moustiques. Néanmoins, j’entretenais ce vieux rêve de dormir dans une cabane dans les arbres. Vestige d’une époque où le bonheur suprême me semblait être la contemplation du monde depuis les branches de mon bouleau préféré… Grimper aujourd’hui? Naaaah. Mais passer la nuit dans une cabane caressant la cime des arbres, ça, oui.
Excitée comme une puce, je me rends donc au Parc Aventures du Cap Jaseux, à St-Fulgence, au Saguenay, en compagnie de ma mère et de ma fille Maya, alors âgée de quatre ans et demi*.
— Il faut faire un peu d’escalade pour vous rendre à la cabane, annonce le préposé à l’accueil.
Terreur dans les (immenses) yeux de ma mère.
Points d’interrogations dans les miens.
— «Escalade»…?
— Ben, il faut monter un peu avant d’arriver aux cabanes, dit-il en esquissant un sourire.
Nous repartons un peu perplexes et garons la voiture dans le parking réservés aux occupants des deux seules cabanes dans les arbres du site.
La pluie tombe doucement. Le sol est humide.
18h06. Maya effectue la montée sans problème et insiste pour tenir le fanal électrique qu’on nous a remis avec la clé.
Le poids de mon sac à dos me fait perdre l’équilibre. Je glisse un peu, mais je termine l’ascension sans trop de mal.
Je jette un coup d’œil à ma mère, derrière. Chargée comme un mulet, elle peine à suivre.
— Ça va?
— Oui oui, m’assure-t-elle, le souffle court avant de se laisser choir sur une pierre. Elle se relève quelques secondes plus tard et refuse obstinément de me laisser transporter quoi que ce soit.
18h14. Nous levons les yeux au ciel. En un instant, nous oublions l’effort que nous venons de fournir. Les cabanes correspondent en tous points à mes fantasmes d’enfants. De jolies maisonnettes chaleureuses avec un grand escalier (bon, d’accord, j’avais plutôt visualisé une échelle dans les années 1980, mais la Marie-Julie version 2011 s’accomode parfaitement d’un grand escalier).
L’intérieur est tout aussi à la hauteur : au rez-de-chaussée se trouve un lit double, une table, quatre chaises et deux chaises berçantes. Sur la mezzanine, à laquelle on accède à l’aide d’une échelle, deux demi-lits attendent les visiteurs. Dehors, un BBQ à briquelettes est mis à la disposition des occupants. Comme nous nous sommes arrêtés à La Vieille ferme en route, nous ne l’utiliserons pas.
Seul hic : ni toilettes, ni eau courante. Pour se soulager, il est nécessaire de descendre l’escalier et d’emprunter un petit sentier qui mène à une toilette sèche (que ma mère appellera affectueusent «la bécosse»). Il faut tout de même une part d’aventure, non? Et puis nous sommes tout de même dans la forêt. Ici, les étoiles sont dans le ciel. Pas à côté du nom de l’établissement…
18h26. Je suis en pâmoison. Je prends des photos de la cabane sous toutes ses coutures. Depuis le balcon avant, la vue est splendide. Le fjord est là, à nos pieds (enfin, à quelques pieds de nos pieds).
Je me pince.
18h40. Après avoir tergiversé pendant deux longues minutes (!), nous décidons que ma mère dormira au-dessus, et Maya et moi, dans le lit double. Tout le monde en pyjama!
18h48. Détour à la «bécosse» avant le dodo.
20h37. Maya termine le visionnement de Lilo et Stitch sur le iPod. J’ai épuisé presque toute la batterie de mon iPhone en postant compulsivement des photos sur Instagram, Facebook, Twitter et Tumblr. Du calme, les technomades!
Je me résigne à dormir.
20h47. Maya roupille à côté de moi. Un moustique semble bien décidé à ne pas me laisser tranquille. Je me cache la tête sous l’oreiller. Il n’existe plus. Il n’existe plus. Il n’existe plus…
01 :08. Je me réveille en pleine forme. Quoi? Ce n’est pas le matin?
01 :09. Silence total. Enfin, presque…
01 :10. Quelle est cette bestiole qui gratouille, dehors? Une marmotte? Un rat? C’est forcément une bête à petites dents. J’ai horreur des bêtes à petites dents.
01 :11. Elles ne peuvent pas pénétrer à l’intérieur, les bestioles, n’est-ce pas? Naaaah…
01 :13. Merde. J’ai envie de pipi.
01 :14. Ne plus y penser. Ne plus y penser…
01 :15. J’y pense.
01 :16. Il. Est. Hors. De. Question. Que. J’aille. Faire. Pipi. Dehors.
01 :17. Et si j’urinais sur le balcon? Je pourrais faire passer ça sur le dos d’un raton-laveur, genre.
01 :18. J’inspire. J’expire. J’inspire… Non, je n’entends pas de coups de griffes sur la cabanes. Non, je n’ai pas envie de pipi.
01 :21. J’ai faim.
01 :23. J’engouffre deux barres tendres.
01 : 40. Ma mère ronfle à l’étage. À moins que ce ne soit un ours qui grogne?
01 :41. Un ours, ça ronfle-tu?
01 : 49. Je relève mes courriels sur mon iPhone. Un message apparaît pour me prévenir que ma batterie ne contient plus que 10% de «jus». Pratique pour les applications «Flashlight» et «Survival»…
02 : 21. Note à moi-même : re-Googler la liste des choses à faire et à ne pas faire si on arrive nez à nez avec un ours si je ne me fais pas dévorer cette nuit.
02:48. Non, je n’ai pas envie de pipi.
04 :00. C’est long…
04 :36. Ma mère cesse soudainement de ronfler.
— Ça va?
— J’ai envie de pipi!
Aaargh!
— J’essaie de ne pas y penser, Maman! Selon mon expérience d’insomniaque, il fera jour dans environ une demi-heure. Patience!
Je me rendors.
07 :47. Je me réveille quand ma mère sort faire pipi.
Premier constat: nous sommes vivantes.
Deuxième constat: j’ai encore besoin de travailler sur ma «zénitude nature».
Si j’ai aimé l’expérience? J’ai a-do-ré! Ma mère et ma fille aussi. Mis à part mon imagination un peu trop débordante (et ma vessie peu coopérative), l’aventure a été fantastique. Les cabanes sont solides, sécuritaires et très confortables.
Au petit matin, nous sommes redescendues toutes les trois déposer nos bagages dans la voiture, puis sommes allées contempler la rive.
Un couple s’apprêtait à attaquer la Via Ferrata. Un peu plus loin, un instructeur donnait des indications à des kayakistes.
Le soleil était au rendez-vous.
J’ai pris des dizaines de photos et un grand bol d’air pur.
J’avais presque envie de grimper aux arbres…
P.S.: Pfff! Même pas eu peur pour vrai. Nah.
Pratico-pratique :
• Prix d’une nuitée dans une maison dans les arbres : 204$ en occupation double en basse saison, et 229,50$ en haute saison. Maximum de cinq personnes par maison (voir ici pour les détails).
• La literie n’est pas incluse, mais il est possible de la louer au coût de 13,30$ par personne.
• Il y a un couvre-feu à 23h.
• À proximité se trouve La Vieille Ferme, petit casse-croûte ouvert il y a un mois où l’on peut déguster de délicieux paninis à l’agneau fumée (fait par les propriétaires, qui possèdent une ferme de moutons). Ma mère et ma fille se sont pour leur part régalées d’une soupe aux gourganes traditionnelle.
• De nombreuses activités sont proposées au Parc Aventures Cap Jaseux (la plupart pour les 8 ans et plus). Consultez le site Web pour de plus amples informations.
*Une première version de cet article a été publiés sur le défunt blogue EnTransit.ca le 2 août 2011.
J’étais l’invitée du Parc Aventures Cap Jaseux et à Tourisme Saguenay–Lac-Saint-Jean. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.
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7 Commentaires
Coucou Marie-Julie…
Que tu mes fais rire! j’adore le minute-par-minute très réaliste…
J’ai passé une nuit perchée il n’y pas longtemps (tu verras dans les derniers articles) et pour le coup, ça m’a beaucoup inspirée et même pas eu peur 🙂
Bise de Victoria!
Aurélie
Elles sont hautes ces cabanes! On en trouve un peu partout, comme celles de Canopée Lit à Sacré-Coeur que j’ai testées récemment : http://www.canopee-lit.com . Nous avions même la douche et une toilette dans notre cabane…
J’en ai également glissé un mot ici :
http://survivreaquebec.wordpress.com/2014/05/28/fjord-du-saguenay-la-derniere-frontiere/
Merci de faire connaître ces beaux endroits!
C’est vraiment magnifique, mais il ne faut pas avoir le vertige … 🙂
Une expérience qui donne envie. Mais gare à l’acrophobie !
Hello Marie- Julie,
C’est moi, ta … grande cousine qui vient de lire ton article sur le canopee.lit et j’ai encore plus hâte d’y aller. Nous avons réservé une ” bulle ” à la mi- aôut. J’espère que j’aimerai mon expérience. Je t’en reparle. Bye !
Doris
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