J’ai parlé de la «notion du temps» en Afrique à l’émission de radio Les Éclaireurs la semaine dernière. Bientôt en ligne!
Un premier voyage en Afrique a de quoi déstabiliser. Comment parvenir à s’adapter à tant de différences? À rester en santé? Quelles sont les choses à faire et à éviter?…
Bien sûr, l’Afrique est un grand continent et chaque pays a ses spécificités. Mon expérience se limite pour le moment à l’Afrique de l’Ouest. En réponse aux questions que m’ont posées des voyageurs qui ne savaient pas trop par quel bout commencer, voici quelques conseils de base qui pourront aussi s’appliquer à plusieurs pays en développement.
1- La préparation
La clé : commencer à se préparer le plus tôt possible. Si garder une certaine part d’improvisation permet d’ajouter un peu de piquant dans un voyage, dans le cas de l’Afrique, le manque de préparation peut avoir un impact sur la santé et l’appréciation générale du séjour. Informez-vous notamment à propos des conditions sanitaires du pays que vous souhaitez visiter. Restez aussi à l’affût de l’actualité. Consulter les Conseils et avertissements émis par le Gouvernement du Canada sur Voyage.gc.ca est une bonne idée, mais personnellement, je les trouve souvient bien alarmistes.
2- Le budget
En lisant sur la destination qui vous intéressent, vous réaliserez rapidement que ce n’est pas parce qu’un pays est pauvre qu’on peut le visiter les poches vides. Déjà, se rendre sur le continent africain coûte cher à partir de Montréal. Il est généralement nécessaire de transiter par un pays européen ou par les États-Unis. Les escales sont parfois longues entre les vols. Les prix? À titre d’exemple : un aller-retour Montréal-Dakar en décembre acheté trois semaines avant le départ a coûté près de 2000$. Pour la même destination et la même période, il a été possible d’en dénicher un pour près de la moitié du prix (1100$) en se le procurant 11 mois avant le voyage. N’hésitez pas à demander conseil à un agent de voyages qui connaît bien ce marché.
3- Les vaccins et médicaments
Prenez le temps de voir un médecin avant de partir, préférablement dans une clinique pour voyageurs. Il pourra vous prescrire des médicaments pouvant soigner différents bobos sur la route, de la diarrhée à la malaria. Dans plusieurs pays, il est recommandé de prendre des anti-paludéens à titre préventif. À vous d’évaluer selon la saison où vous vous rendez sur place, les risques de contracter la maladie et les effets secondaires des médicaments conseillés. Un bon anti-moustiques permet par ailleurs de minimiser les risques, puisque la maladie se transmet par leurs piqûres.
Quant aux vaccins, informez-vous dès que possible. Certains exigent plus d’une dose et le prix risque de vous faire sursauter. Vous serez heureux d’avoir réparti les coûts!
À noter que des vaccins sont exigés pour avoir le droit d’entrer dans certains pays. Vérifiez l’information auprès de l’ambassade ou du consulat, plutôt que de vous fier aux informations transmises par les cliniques médicales (pas qu’elles ne soient pas fiables, mais les règles changent parfois).
Sur place, boire l’eau du robinet est à proscrire, même si tout le monde autour de vous le fait. Attention également aux glaçons. La nourriture de rue? Fiez-vous à votre gros bon sens. Quand des mouches recouvrent une pièce de viande, vaut peut-être mieux passer son tour.
4- Les formalités administratives
Si l’obtention d’un visa est nécessaire, assurez-vous d’avoir tous les documents en main le plus tôt possible pour entreprendre les démarches. Les choses sont souvent plus complexes dans la réalité que sur papier.
5- Se préparer au choc culturel
Il est toujours difficile de savoir comment on réagira à une situation à laquelle on a jamais été confrontée. C’est pourquoi l’étape de la préparation revêt une importance capitale dans le cas d’un voyage particulièrement dépaysant.
«Nous demandons aux gens d’enlever leurs lunettes de Québécois et d’essayer d’avoir un regard nouveau sur la culture, explique Jean Baptiste Ndiaye, Sénégalais d’origine qui donne des formations d’initiation à la coopération internationale à des employés et stagiaires de différents organismes comme Mer et Monde et le CECI. C’est-à-dire ne pas venir avec des a priori ou ne pas juger en fonction de ce qu’ils connaissent. Partir du fait que ce qu’on va voir sur place n’est ni pire ni meilleur, mais simplement différent. Essayer de relativiser au maximum les choses qu’on va voir.»
6- Tenter de voir les choses sous un autre angle
Comment parvenir à relativiser ce qui nous choque? «On doit se dire que si quelque chose se fait là-bas, c’est qu’il y a une raison, dit Jean Baptiste Ndiaye, qui a complété une maîtrise en humanitaire et solidarité à l’Université Lyon 2, en France. C’est cette raison qu’il faut aller chercher. Je donne souvent l’exemple de deux icebergs qui se rencontrent. Quand nous regardons un iceberg, nous voyons la partie qui sort de l’eau. Mais elle est soutenue par une partie sous l’eau beaucoup plus grande. Quand deux icebergs se rencontrent, le choc se fait par le bas. Les deux pointes n’arrivent pas à se joindre parce qu’ils ont d’abord eu ce choc. Tant qu’ils ne descendront pas pour mettre la tête sous l’eau et voir ce qu’il y a en bas, ils ne pourront pas se comprendre. »
La meilleure manière d’y arriver selon lui? «Poser des questions. La communication.»
7- Éviter les tabous
Dans la plupart des pays d’Afrique (j’écris «la plupart» parce que je ne les connais pas tous «intimement» et ne veux pas généraliser, mais je crois que j’aurais très bien pu écrire «Dans la majorité»), on ne parle pas ouvertement de sexualité avec des étrangers. L’homosexualité est un sujet particulièrement délicat. «Attendez de mieux connaître votre interlocuteur afin de savoir si c’est un sujet que vous pouvez aborder avec lui, conseille Jean Baptiste Ndiaye. Ce n’est pas un sujet dont on discute avec quelqu’un qu’on rencontre pour la première fois.»
Par ailleurs, si quelqu’un fait semblant de ne pas avoir entendu votre question, c’est probablement parce qu’il ne veut pas répondre. «Ou qu’il ne veut pas le faire devant tout le monde, précise M. Ndiaye. Mieux vaut donc ne pas insister. Quelqu’un peut aussi répondre quelque chose qui n’a aucun rapport avec la question pour la même raison.»
8- Emporter les choses qui vous semblent essentielles
Pas toujours évident de tout trouver en Afrique. Et parfois, quand on trouve, on doit payer le gros prix! Il en va de même pour des choses qui semblent banales vues d’ici, à commencer par le papier de toilette, plutôt rare dans certains coins d’Afrique (à moins de fréquenter des lieux hautement touristiques). Que font les Africains? Ils utilisent généralement le bol d’eau qui se trouve près de la toilette…
Jean Baptiste Ndiaye conseille ceci : «Quand vous arrivez dans un village et qu’il n’y a pas de papier de toilette, dites-vous forcément que si les gens n’en ont pas, c’est qu’ils ont une solution qu’ils estiment meilleure que celle du papier de toilette. Alors essayez au moins cette solution pour voir. Si cela ne vous convient pas, allez chercher du papier! Le voyage sert à ça aussi : à découvrir d’autres manières de faire, de penser.»
Conseil de l’auteure de ces lignes : emportez plusieurs paquets de mouchoirs et assurez-vous d’en avoir toujours un sur vous partout où vous irez. Juste au cas où…
9- Apprendre à relativiser. Et à être patient…
Quiconque a déjà voyagé en Afrique a entendu : «Vous, vous avez l’heure. Nous, on a le temps.» Au-delà de l’aphorisme, c’est carrément une partie de la culture qui pourrait être résumée ainsi. La différence va bien au-delà de la gestion du temps. Si vous avez un rendez-vous au Québec et que vous arrivez en retard, cela peut être perçu comme un manque de respect envers l’autre. En Afrique, le manque de respect sera plutôt de ne pas s’arrêter pour prendre des nouvelles de son voisin ou des gens rencontrés sur sa route. «Quand quelqu’un arrive en retard, ce n’est pas parce qu’il n’avait pas le souci du temps, mais parce que les imprévus entre chez lui et le lieu du rendez-vous sont nombreux, explique Jean Baptiste Ndiaye. Même si une réunion est importante, il est impossible de ne pas céder à ces imprévus parce qu’ils font partie du fondement même de cette société.» Simplement envoyer la main pour saluer? Inconcevable. S’intéresser à l’autre et prendre le temps nécessaire à l’écouter prime.
10- En prendre et en laisser
On ne devient pas Africain parce qu’on va en Afrique. Par contre, rien ne nous empêche de s’inspirer de certains aspects culturels au retour. «Forcément, dans un voyage, il y a des choses qui nous conviennent, et d’autres moins, observe Jean Baptiste Ndiaye. (…) Ce qui ne vous convient pas, laissez-le là-bas. Essayez simplement de les comprendre. Cela pourra vous aider dans le futur, par exemple, si vous devez côtoyer quelqu’un de la même culture dans le cadre du travail.»
Ai-je besoin de rappeler qu’on ne voyage pas pour «changer le monde»?… Qu’on soit d’accord ou pas avec ce que l’on voit, ce n’est pas en passant quelques jours (et même quelques mois) quelque part qu’on comprend un contexte. Le voyage, c’est aussi apprendre à ne pas juger et encore moins à condamner. Admettre qu’on ne détient pas tous les éléments pour comprendre et qu’on ne comprendra peut-être jamais, même si on essaie très fort.
11- Connaître et respecter nos limites
Quel type de voyage avez-vous vraiment envie de faire? Dans certains milieux, plus un voyage est difficile, mieux il est perçus par les pairs. Vous rêvez de visiter un pays africains mais ne vous sentez pas à l’aise de le faire de manière indépendante? Non, vous n’êtes pas obligé de «voyager à la dure»! Sachez que de nombreux voyagistes et agences offrent des circuits accompagnés qui vous simplifieront grandement la vie (il faut toutefois avoir le budget nécessaire, hein). L’important est de connaître, d’accepter et de respecter nos limites!
Oubliez le cliché des cars d’autobus remplis de passagers de l’âge d’or: on trouve vraiment de tout, des voyages axés sur la randonnée au grand luxe. Soyez toutefois prévenu: vous ne retrouverez pas toutes les commodités auxquelles vous êtes habitués.
Un bon conseiller pourra aussi vous aider à traverser toutes les étapes administratives et à vous préparer.
Quelques pistes pour débuter vos recherches: Karavaniers du monde (randonnées), Terres d’aventure («le voyage à pied»), Esprit d’aventure (axé sur le voyage sur-mesure), Voyages Traditours, Club Aventure, Terra Ultima, Les routes du monde et Uniktour.
(Cet article a été rédigé, à l’origine, pour MSN.ca)
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