(An english version of this text is on Quebec Maritime’s blog.)
Pour certains, les souvenirs s’apparentent à des photos. Des images en deux dimensions classées dans les tiroirs de la mémoire. Pour moi, ils ont souvent l’évanescence des odeurs, des sons ou des impressions. Une sorte de courtepointe de sensations dans laquelle je m’enveloppe dans les moments de nostalgie. À leur évocation, certains de ces instants m’accrochent un sourire au visage, alors que d’autres me font grimacer ou carrément éclater de rire.
Quand je pense à la mosquée bleue, par exemple, la première chose qui me vient à l’esprit n’est pas la magnificence de cet emblème d’Istanbul, mais l’odeur des petons dénudés qui m’a accompagnée tout au long de la visite (il faut retirer ses chaussures à l’entrée). Mon ascension de la montagne Pelée, en Martinique? Le sandwich au hareng qui était dans mon sac à dos et qui a titillé mes narines pendant toute la montée (oui, il s’est avéré délicieux).
Quand on évoque mon Lac-Saint-Jean natal, c’est le bruit des pas sur la neige qui me revient d’abord en mémoire. Après, arrivent pêle-mêle le goût des fraises des champs, la vigueur des rapides de la rivière Ashuapmushuan, le glissement des bottes qui s’enfoncent dans la boue au printemps, la fraîcheur de l’eau du lac et le picotement de ma peau après avoir servi de banquet aux moustiques. Non, mes souvenirs ne sont jamais figés.
Aux Îles de la Madeleine, le vent s’insinue dans chacun des tableaux accrochés dans ma tête. Des vents forts et d’autres plus doux. Des vents qui balaient et des vents qui chatouillent. Des vents qui soulèvent les jupes; des vents qui font voler les perruques. Des vents qui repeignent le paysage, même. Un souffle et bam! L’herbe qui ondulait doucement quelques secondes plus tôt se couche sans offrir la moindre résistance.
Il fait office de bande sonore, en plus de jouer à la fois les rôles de (dé)coiffeurs, de directeur photo, de musicien et de producteur intransigeant. « Nah! Pas de kayak aujourd’hui! » Combien d’avions n’ont pas décollé parce qu’il avait envie de faire le fanfaron? Combien de bateaux sont restés au port à cause de sa hardiesse?
« Les vents influent beaucoup sur le climat madelinot en raison de leur régularité et de leur intensité, peut-on lire sur le site de Tourisme Îles de la Madeleine. Plus violents en hiver qu’en été, leur vitesse varie de 17 à 40 km/heure (9 à 22 noeuds) avec dominance des directions sud-ouest en saison chaude et nord-ouest en saison froide. »
Oui, ses états d’âme font parfois rager. N’empêche, c’est grâce à lui que le ciel se tachète de cerfs-volants multicolores l’été. Grâce à lui que les amateurs de sports de glisse volent au-dessus des vagues, pendus à leur kitesurf, leur planche à voile ou à bord de leur trimaran, petits voiliers multicoques. Le vent, c’est aussi l’élan.
Les falaises de grès rouges, les plages de sable blond et les maisons aux couleurs vives feront toujours de magnifiques cartes postales. Mais seul le vent peut faire apparaitre des moutons sur la mer et faire danser les fleurs.
(Une première version de ce texte a été publiée sur le blogue de Québec maritime en janvier 2016. Retrouvez tous mes billets sur leur site en français ici, and in english, here!)
P.S.: «Chercher le vent» est le titre d’un roman de Guillaume Vigneault que j’ai adoré. 🙂
2 Commentaires
Salut Marie-Julie 🙂 Juste pour te dire que j’aime beaucoup ta plume… Amitiés!
Comme dit le proverbe marin : pas de vent, pas de vague…
Pour la mosquée bleue, même constat marquant, ça sent le pied !