Je l’ai souvent dit : je ne devais pas voyager. Je viens d’une famille bien enracinée. Mes parents n’ont jamais eu la bougeotte. Je suis partie un jour comme on met un pied devant l’autre, bébé. Parce que c’était la meilleure façon d’avancer. Parce qu’il le fallait. Je suis souvent tombée. Mais je n’ai jamais eu envie d’arrêter.
J’ai dû aller loin pour voir ce qu’il y avait tout près. Un cliché gros comme la Terre. La distance m’apparaît toujours, même après toutes ces années, la meilleure manière de tout rapprocher, à commencer par soi-même. Oui, un autre cliché.
Je les aime passionnément, les clichés, préférant sauter à pieds joints dedans plutôt que de les contourner. J’ai été une ado obsédée par le shopping, une jeune adulte ultra-carriériste et une amoureuse démesurément romantique. Voyager m’a guérie des deux premiers. L’amoureuse démesurément romantique a épousé sa passion pour l’ailleurs en choisissant comme partenaire de vie un Sénégalais rencontré à Taïwan. Sans doute l’être humain le rationnel que j’aie rencontré dans ma vie, d’ailleurs. Quinze ans plus tard, j’ai toujours la tête dans les nuages, mais tenir sa main me garde les deux pieds sur terre.
Voyager n’a toujours été, au fond, qu’un prétexte pour alimenter mon imaginaire. Les mots coulent tellement plus facilement quand je plonge dans l’inconnu. Un pas de côté et je risque de tomber dans le vide. Un autre en avant et je débouche sur une clairière dont je ne soupçonnais pas l’existence quelques minutes auparavant. Je ne connais rien de plus grisant que de me retrouver devant l’océan de possibilités qu’offre le voyage. Sauf, peut-être, tomber amoureux. Mais je n’ai plus eu envie, un jour, de m’égratigner une énième fois le coeur à force de fracasser le sol. Alors je n’ai plus lâché la main qui me retenait.
Un dixième livre
J’ai pris bien des détours avant d’écrire sur le pays qui m’a vu naître. Mon premier récit de voyage s’intitulait Cartes postales d’Asie (Mémoire d’encrier, 2007). Dix ans plus tard, j’ai eu à nouveau envie de ce format qui me permet une si grande liberté. De partager mon amour de « ces » Canada.
Car c’est ça, pour moi, le Canada : plusieurs pays en un, aussi dépaysants que ces contrées accessibles en plusieurs heures de vol.
J’ai senti ma mâchoire se décrocher devant les Badlands, en Alberta, comme jadis en Cappadoce, en Turquie. J’ai écouté les légendes de la ruée vers l’or au Yukon avec le même appétit que j’ai exploré les sites archéologiques en Grèce ou en Italie. Je me suis autant régalée des fruits de la mer au Nouveau-Brunswick qu’au Japon ou à Taïwan. Surtout, j’ai appris à voir mon bout du monde comme le bout du monde. Les copains étrangers avec qui j’ai parcouru le pays au cours de la dernière décennie y sont d’ailleurs pour beaucoup dans ce changement de lunettes.
Entre le désir d’écrire sur le Canada et la publication d’un bouquin sur le sujet, il y avait toutefois une marge. Le 150e anniversaire du pays m’est rapidement apparu comme le prétexte idéal. Vous dire à quel point j’étais aux anges quand mon éditeur a dit oui ! Mon défi s’avérait toutefois de taille : raconter mes aventures autant aux Québécois qu’aux Français. Tout un travail d’équilibriste.
Ce livre, je l’ai écrit entre le rire et les larmes, mais surtout en ressentant un bonheur profond. Devant mon ordinateur, j’ai revécu des rencontres marquantes et des émotions, en vrac, au fur et à mesure que je replongeais dans ma propre histoire, mais aussi dans l’Histoire.

L’une des affiches que j’ai chez moi
7 Commentaires
Si ce n’est déjà fait, je te suggère fortement la bouteille de Champagne, puis une autre bonne de la vallée de l’Okanagan, un vin de glace de la région de Niagara ou une vodka avec eau d’iceberg “canadien”.
Et je te verrai très bien en outre dans un remake d’affiche du Canadien Pacifique !
Bonne promotion pour ton 10ème livre qui promet, vu cette belle chronique…
Tellement merci, Anne!
Je vais courir dans les vignes d’Osooyos à la fin mai (“Halfed corked marathon”). Compte sur moi pour célébrer! 
[…] ans plus tard, je viens de publier Cartes postales du Canada. Le titre est bien sûr un clin d’oeil à ce premier récit en sol asiatique. La forme est […]
[…] Cartes postales du Canada (Michel Lafon, […]
Je vais vite me procurer ton livre Marie-Julie, rien que la couverture me donne envie et ta plume ne me decoit jamais !
Entre souvenirs de mon voyage a travers le pays et mes idees de futures aventures, je suis certaine de ne pas manquer d’emotions en le lisant.
Bonne continuation,
Celine
[…] récit de voyage Cartes postales du Canada, qui sera publié chez Michel Lafon en avril (MÀJ: le livre a été publié et est disponible tant en France qu’au Québec!), pendant que ma fille se baigne dans la […]
[…] qui concluait magnifiquement bien ce séjour, à peine deux mois après le lancement de mon récit Cartes postales du Canada […]