Même après y avoir passé 24 heures, rien à faire : je n’arrive JAMAIS à écrire ni à prononcer « Djilor Djidiack » correctement du premier coup. Immanquablement, l’ami Google doit venir à ma rescousse. Et pourtant, ce village de 1200 habitants dont je n’avais jamais entendu parler avant mon récent voyage été l’un de mes plus gros coups de coeur au Sénégal !
Ce qui m’a amenée là-bas ? La Source aux Lamantins, hôtel découvert en fouinant sur le site de Village Monde. Situé à 150 km de Dakar, dans le delta du Sine Saloum, entre Djilor et Fimela, l’établissement propose des cases confortables dans un cadre paisible. Cette vidéo a fini par me convaincre : je devais m’y rendre !
J’apprends une fois sur place qu’Anne Catherine Beye, la propriétaire, est la petite-nièce de Leopold Sedar Senghor, poète, premier président du Sénégal et premier Africain à avoir obtenu un siège à l’Académie française. Fascinée par l’homme, dont l’héritage est toujours très présent au Sénégal, j’avais visité sa maison, à Dakar, quelques jours plus tôt. On dit qu’il n’y a pas de hasard… Au Sénégal, j’ai plutôt l’impression que tous les chemins mènent à Senghor.
« Je confonds toujours l’enfance et l’Eden. Comme je mêle la mort et la vie. Un pont de douceur les relie. »
– Leopold Sedar Senghor
Aussi la nièce d’un peintre renommé, Iba Ndiaye, Anne Catherine Beye a une formation de chimiste, se passionne pour la pâtisserie et pratique le yoga depuis une vingtaine d’années. Pas étonnant avec ce bagage que la culture, la gastronomie et le bien-être soient au coeur de sa vie comme de son travail !
Quand elle hérite de la terre de son père, un médecin qui n’hésitait pas à soigner bénévolement les villageois dans le besoin, il lui semble tout naturel d’y faire ériger un hôtel. « J’adore recevoir, dit-elle simplement. À la maison, je recevais tous les week-ends. » L’écotourisme s’impose comme une continuité des valeurs familiales, tout comme les thématiques à mettre de l’avant.
Des retraites de yoga et des ateliers de cuisine sont proposés ponctuellement. En se baladant sur le site, on aperçoit ici et là les personnages des contes de Leuk le lièvre, que connaissent bien la plupart des Sénégalais. Le livre de contes de Leopold Sedar Senghor et Abdoulaye Sadji se trouve d’ailleurs dans la bibliothèque de La Source aux Lamantins.
Un village inspirant
De bon matin, Djiby Diouf, guide et président de la promotion de l’ÉcoTourisme au bureau des EcoGuides de la région de Fatick, vient nous retrouver à l’hôtel pour nous faire visiter le village en charrette. Personnage haut en couleur, le cinquantenaire a vécu 17 ans en France, où il a notamment enseigné la salsa et travaillé au triage des ordures. À son retour, il a eu envie de s’impliquer dans sa communauté. Il a mis en place un système de collecte des déchets, chose rare au Sénégal.
À l’école primaire, Djiby pointe des bancs publics conçus à partir de vieux pneus recyclés et de déchets, comme des sacs de plastique. Une manière de donner une nouvelle vie à ces matériaux polluants.
Nous jetons un coup d’oeil à l’intérieur de l’école. « Elle est financée par l’association de lutte », lance notre guide. Par l’association de lutte ?
Pour comprendre comment cela peut être possible, il faut savoir que la lutte traditionnelle sérère est extrêmement populaire au Sénégal. Tous les enfants s’amusent à lutter comme leurs idoles. Des combats ont lieu dans les villages du Sine Saloum, à tour de rôle. Les rituels les entourant sont nombreux et franchement fascinants (il faudrait que j’y consacre un article entier !). L’argent amassé lors de ces combats permet de financer différentes activités de la communauté.
Pendant la visite, nous nous arrêtons dans la maison où Senghor a passé une partie de son enfance, puis allons à la rencontre d’un groupe de femmes et de tisserands.
Impossible de ne pas tomber sous le charme des cuisinières qui mitonnent leur plat ensemble, en plein air, le sourire aux lèvres. Les tisserands – tous des hommes – qui travaillent aussi dehors, m’impressionnent tout autant, surtout quand je constate l’archaïsme de certains outils ! Traditionnellement, le pagne tissé joue un rôle de premier plan tant lors des rituels entourant la naissance que la mort.
Je repars avec un sac arborant un tissage traditionnel…
Vingt-quatre heures dans les parages, c’est beaucoup trop court. Djilor Djidiack est le genre d’endroit où l’on a envie de se poser quelques jours, le temps d’explorer lentement les environs et de discuter avec les gens croisés sur sa route.
« C’est un tourisme où l’on vient pour échanger, conclut Anne Catherine Beye. C’est l’esprit qu’il y a ici, l’esprit du poète. Le donner et recevoir. La fraternité. Il y a de la place pour tout le monde. C’est la civilisation de l’universel où tout le monde coopère et apporte sa pierre. »
Voilà qui donne envie de planifier un prochain séjour sur-le-champ !
Bon à savoir :
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À Djilor Djidiack, aucun vendeur ambulant ne vous harlèlera. Un travail de sensibilisation a été effectué auprès des commerçants pour éviter la sollicitation constante des touristes. On vous donnera aussi un prix fixe lorsque vous voudrez acheter un souvenir (normalement au Sénégal, on doit négocier partout).
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La Source aux Lamantins a été construit entre 2009 et 2011 et compte une dizaine de cases avec salle de bain et air climatisé. Prix d’une nuitée : à partir de 32 000 francs CFA (75 $CND) en occupation simple en basse saison. Des forfaits (avec ou sans les repas) sont disponibles pour de plus longues périodes.
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Qu’est-ce qu’un lamantin ? Un mammifère des fleuves qui vit en troupeau. Certains les appellent les « vaches de mer ». On leur prête des pouvoirs surnaturels…
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On mange très bien au restaurant de La Source aux Lamantins, mais si vous avez envie de découvrir d’autres tables, sachez que quelques bonnes adresses sont à distance de marche.
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L’hôtel se trouvant dans le delta du Saloum, sur les berges d’un bras de mer (ou bolong), il est possible de prendre part à des excursions dans les îles.
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Le bâtiment principal de La Source aux Lamantins est inspiré des case à impluvium, conçues de manière à recueillir l’eau de pluie pendant l’hivernage en Casamance.
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Les chambres sont toutes dotées d’une salle de bain privée, mais n’ont pas d’eau chaude. Il est toutefois possible d’emprunter une bouilloire à la réception. Quand j’ai demandé à la propriétaire pourquoi il n’y avait toujours pas d’eau chaude, elle m’a répondu qu’elle n’avait pas encore trouvé de manière écologique satisfaisante. À suivre !
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La bibliothèque de La Source aux Lamantins compte un rayon de livres pour enfants.
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Mai, juin et juillet sont les mois des mangues ! Si, comme moi, vous en raffolez, sachez que la commune de Fimela compte de merveilleux vergers de mangues. À La Source aux Lamantins, la tarte fine à la mangue, les sorbets de mangues, le crumble de mangues aux noix de cajou et des confitures maison mangue gingembre sont au menu pendant cette période.
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Parmi les choses qu’Anne Catherine Baye souhaite mettre en place, mentionnons des ateliers de cosmétique naturels, avec les plantes du jardin.
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Des ateliers de cuisine sont également offerts.
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Pour vous mettre dans l’ambiance, écoutez des extrais de Chants d’ombre et de Leuk le lièvre !
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Il est possible de réserver une chambre à La Source aux Lamantins par l’entremise de la plateforme VAOLO, développée par Village Monde.
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