Je ne conduis pas et j’ai une aversion pour les véhicules motorisés en général. Évidemment, je ne peux pas aller partout à pied, mais en voyage comme à la maison, quand la température le permet, j’aime maximiser la marche. Citadine depuis deux décennies, je me débrouille avec les transports en commun et, parfois, des taxis. Je n’ai jamais compris le désir de posséder sa propre voiture, alors qu’il y en a déjà tant sur les routes. Au-delà des considérations environnementales, la vision de tous ces gens seuls coincés dans les bouchons m’a toujours laissée perplexe.
Cet été, j’ai eu envie d’explorer le Québec et l’Europe en utilisant principalement les transports en commun. Pour moi, la vraie liberté, c’est de voyager le plus léger possible, avec le minimum, de sorte à toujours être prête à sauter dans un train ou à parcourir des kilomètres à pied. Un projet plus exhaustif, résultat de mes réflexions et expériences, verra également le jour d’ici la fin de l’année. À suivre !
Première escale : les Îles de la Madeleine.
***
S’Y RENDRE (ET EN REVENIR)
Quand on ne souhaite pas conduire pour se rendre aux Îles de la Madeleine, trois options s’offrent à nous: la croisière du CTMA Vacanciers, l’avion avec Air Canada ou Pascan (au départ de Saint-Hubert) ou Autobus Les Sillons.
De Montréal, le départ du bateau de croisière a lieu à 15h et l’arrivée, à 9h30 le surlendemain. Si le confort des cabines, qui n’est pas comparable à celui des paquebots luxueux auxquels nous sommes aujourd’hui habitués, est bien relatif, la redécouverte de la Belle Province par le fleuve s’avère mémorable.
Je garde un souvenir indélébile du coucher de soleil sur le Rocher Percé, depuis le pont du Vacanciers. Ne serait-ce que pour ces images, l’aventure est à vivre au moins une fois dans sa vie. Si vous recherchez plus de confort, attendez un peu : un nouveau navire devrait être construit d’ici quatre ans.
L’avion reste le moyen le plus onéreux, comme vous vous en doutez, surtout en haute saison. Une piste intéressante pour ceux qui aiment la formule « tout compris » : les forfaits de La Salicorne, avec le vol (à partir de 1099 $ pour trois nuits, incluant le vol aller-retour avec Pascan, les navettes entre l’aéroport et l’auberge, l’hébergement, les activités, les déjeuners et les soupers quatre services). Sinon, utiliser les points accumulés avec des cartes comme Aéroplan peut être une bonne idée, mais il faut s’y prendre à l’avance puisque les vols disponibles partent très rapidement.
Ayant déjà testé la croisière et l’avion, j’ai cette fois eu envie de prendre l’autobus, malgré le scepticisme de tous ceux à qui je faisais part de mon intention.
LE VOYAGE
Premier bémol : je pars de Montréal (Longueuil, pour être plus précise), mais Autobus Les Sillons, de Québec (Sainte-Foy). Comme il n’y a actuellement pas d’entente entre Keolis, qui effectue le trajet Montréal-Québec, et la compagnie des Îles de la Madeleine, j’achète des billets à part pour ma fille et moi.
À Sainte-Foy, nous avons un peu plus de deux heures devant nous. Arès avoir pris une bouchée dans une gargote asiatique du coin, nous allons attendre au terminus en rénovation. Il n’y a en ce moment ni restaurant, ni dépanneur au terminus, mais dans quelques semaines, Keolis annoncera un partenariat ainsi que la date d’ouverture d’un nouveau restaurant, confirme Maurice Vaillancourt, directeur marketing intelligence d’affaires et relations clients de Keolis Canada*.
21h30. Le chauffeur, Gaétan Lafrance, annonce qu’il sera au volant pendant toute la durée du trajet. TOUTE la durée ?!! Nous avons une bonne vingtaine d’heures de route devant nous ! Comme s’il lisait dans mes pensées, il ajoute qu’il fera des pauses d’une vingtaine de minutes régulièrement, ainsi qu’une escale d’une heure pour déjeuner le lendemain, près de Moncton. « Il a l’habitude, m’assure Damien Deraspe, directeur de l’Association de Tourisme Îles de la Madeleine et directeur des opérations à Autobus Les Sillons, quand je lui demande, à mon retour, comment il arrive à tenir le coup (c’est une sorte de superhéros ? lui ai-je carrément demandé). Il le fait depuis trois ou quatre ans et se repose à Québec en arrivant, avant de repartir le lendemain soir. » Ayant la chance de nous assoupir facilement dans les moyens de transport, ma fille et moi dormons une bonne partie du trajet.
Pendant la pause matinale, nous apprenons que le traversier que nous devions prendre à Souris, à l’Île-du-Prince-Édouard, a du retard à cause du mauvais temps. Alors que la pluie et le vent balaient Charlottetown, nous faisons une pause forcée de plus de sept heures. Le chauffeur nous donne deux choix : aller flâner au centre commercial ou se rendre dans un hôtel. J’opte pour la seconde option.
130 $ plus tard, je roupille dans un vrai lit pendant que ma fille profite de la connexion WiFi. Cette pause imprévue nous fait le plus grand bien. Nous quittons Souris à 20h pour la traversée de cinq heures.
Sur le bateau, tous les passagers doivent descendre de l’autobus. Je m’effondre littéralement sur le premier fauteuil que j’aperçois, après avoir mangé une bouchée à la cafétéria, et je dors pendant presque tout le trajet. Quand nous arrivons enfin aux Îles, il est presque 1h. Le voyage aura pris près de 35 heures au total, si l’on inclut le tronçon Montréal-Québec et l’attente.
Le trajet inverse, cinq jours plus tard, se fera sans heurt. À 6h30, nous sommes déjà dans l’autobus, prêtes à reprendre la route. Je dors moins cette fois-là, alors je tente de me rebrancher tranquillement sur l’actualité en faisant exploser mon forfait de données, WiFi n’étant pas offert à bord de l’autobus.
C’est à l’arrivée, à Sainte-Foy, une vingtaine d’heures plus tard, que les choses se gâtent. Il est 1h du matin et le prochain autobus vers Montréal est à 3h20. Le terminus d’autobus est inaccessible. Je décide de prendre un taxi pour aller au terminus du centre-ville. Le chauffeur nous raconte en route avoir déjà récupéré des étudiants fraîchement débarqués d’Afrique pendant l’hiver. Paniqués, ils avaient carrément appelé le 911. Si l’anecdote fait sourire, elle inquiète tout de même un peu. Que sont supposés faire les gens qui arrivent ainsi au milieu de la nuit et ne sont pas attendus ? Il n’est même pas possible d’aller aux toilettes !
Géré par l’agence Termico, mandatée par Keolis, le terminus reste fermé la nuit pendant toute l’année, confirme M. Vaillancourt. Les voyageurs qui optent pour le premier départ vers Montréal, à 3h20 (3h de Québec centre-ville) doivent acheter leur billet à l’avance.
« Le terminus est fermé au moment de ce départ puisqu’il fait presque exclusivement office de point de débarquement, soient nos passagers en provenance de Rimouski, Rivière-du-Loup et des Maritimes (via la compagnie Maritime Bus et un transfert vers nos autocars Orléans Express à Rivière-du-Loup) qui ont Sainte-Foy comme destination, explique Keolis. En somme, il n’y a que quelques billets vendus pour ce départ de Ste-Foy. Lorsque le billet est acheté dans une agence ou par le biais du Service client, l’agent doit mentionner qu’il ne s’agit que d’un point d’embarquement et que le terminus sera fermé. La même information est diffusée sur le site web lorsqu’un client souhaite acheter un billet pour ce départ. »
Les gens qui, comme moi, ont été échaudé par un bateau en retard et hésitent à réserver leur billet pour une heure précise doivent se résoudre à acheter en ligne… et à ne pas être informés de la situation par un humain quand ils ont les deux yeux dans l’même trou.
Au centre-ville, je me heurte aussi à une porte close. En fouillant sur le site de Keolis, je découvre que la billetterie ouvre à 4h30. Le premier départ étant à 3h, ai-je une chance de voir les portes s’ouvrir d’ici là ?
Quand je reviendrai, vers 2h30, après avoir tué le temps dans le lobby d’un hôtel (même Ashton était fermé en ce mercredi soir !), j’apprends que le terminus est pourtant ouvert toute la nuit. « Il suffit de frapper à la porte pour que le gardien vienne ouvrir », me dit le second chauffeur de taxi qui nous accompagne dans nos péripéties nocturnes. Le chauffeur de Keolis affirme peu après que l’endroit est bel et bien accessible 24 heures sur 24.
Ben coudonc. Je m’acharnerai davantage la prochaine fois (si prochaine fois il y a) !
POURQUOI PAS DE PARTENARIAT ?
Du côté d’Autobus Les Sillons, on m’informe qu’un partenariat permettait auparavant aux passagers de Montréal de filer jusqu’à la métropole en changeant d’autobus à Lévis sans trop d’attente, départ qui n’existe plus désormais. Quand je questionne Keolis à ce sujet, voici ce qu’on me répond : « Il y a déjà eu une entente de partenariat avec Les Sillons, mais lorsque nous avons mis en place un système de réservation en 2016, pour garantir une place sur un départ sélectionné aux détenteurs de billets, les différents systèmes d’exploitation ont rendu ce type de partenariat plus complexe. Lentement mais sûrement, nous tentons des rapprochements avec différents transporteurs pour palier à cette situation. Reconsidérer un partenariat avec Les Sillons serait pertinent. »
Mon verdict, à la lumière de tout cela : à 429 $ pour un aller-retour (incluant les taxes, le pont de la Confédération et le traversier), l’autobus reste une bonne option pour les voyageurs qui ne souhaitent pas conduire. Toutefois, en l’absence d’un partenariat entre les deux compagnies d’autobus, mieux vaut avoir un plan B à Québec au retour, comme dormir chez des amis ou en profiter pour s’offrir une escapade dans la Vieille Capitale. Je trouve vraiment dommage que la transition ne soit pas facilitée pour les passagers qui doivent poursuivre le voyage jusqu’à Montréal, surtout en plein milieu de la nuit.
Si l’on exclut ces désagréments, mon expérience avec Les Sillons s’est avérée positive et je me suis sentie entre bonnes mains. Oui, le voyage est long, mais ce n’est pas comme si on ne s’y attendait pas ! Avec WiFi à bord, ce serait bien sûr encore mieux.
Pendant l’été, plusieurs voyageurs peinent à trouver des billets pour prendre le traversier avec leur véhicule. Sans voiture, le problème ne se pose pas, qu’on soit en autobus ou piéton. Certains voyageurs garent aussi leur voiture à Souris pendant leur séjour aux Îles.
LES DÉPLACEMENTS, UNE FOIS DANS L’ARCHIPEL
Bien sûr, il est possible de louer une voiture, un scooter ou même un vélo une fois sur place. On trouve aussi deux compagnies de taxi. Mieux vaut toutefois réserver à l’avance, surtout en haute saison, car les effectifs sont limités (je vous souhaite d’être plus chanceux que nous : le matin de notre départ, le chauffeur contacté la veille ne s’est jamais pointé – merci à la bonne fée qui s’est tirée du lit en catastrophe pour nous amener à bon port à 6h du mat’ !).
« Nous recommandons aux gens de passer par les compagnies de taxi à l’arrivée, dit Lisa Aucoin, copropriétaire de la plus mignonne des auberges de jeunesse, le Paradis Bleu, qui a ouvert ses portes à Fatima l’été dernier. Mais si jamais ce n’est pas possible, nous pouvons aussi arranger le transfert de l’aéroport ou du quai. » C’est le cas d’un bon nombre d’hébergements. Le prix d’une course du traversier à l’auberge de Fatima s’élève normalement à une quinzaine de dollars.
ET LE TRANSPORT EN COMMUN ?
Il existe un système de navettes appelé RÉGÎM (pour Régie Intermunicipale de transport Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine), créée en 2012 par les cinq MRC de la Gaspésie et la municipalité des Îles-de-la-Madeleine. Aux Îles, le service est offert en collaboration avec l’organisme de transport adapté depuis 2010, m’explique Marie-Andrée Pichette, directrice générale de RÉGÎM, basée en Gaspésie. « À l’origine, le système a d’abord été créé pour les 15 000 résidents permanents des Îles, particulièrement les travailleurs et les étudiants, pour amener les gens des extrémités vers Cap-aux-Meules. Pendant l’été, on ajoute certains arrêts, par exemple le midi, pour aller vers La Grave. »
À surveiller plus particulièrement : les lignes 53 et 54. Cette dernière permet de se rendre à Cap-aux-Meules et du côté du site historique de La Grave. La ligne numéro 53 traverse notamment Havre-aux-Maisons, Fatima et Cap-aux-Meules. « Depuis l’automne dernier, nous avons un service de taxi-bus qui se promène sur l’île centrale, explique la directrice. On peut le flaguer. »
Il est maintenant possible de héler un autobus ou de lui demander de nous laisser descendre entre deux arrêts, quand les conditions restent sécuritaires. On recommande cependant aux gens de réserver à l’avance pour être certain que le chauffeur s’arrête. Par exemple, même s’il n’y a pas encore d’arrêt officiel au Paradis bleu (ça s’en vient, m’a glissé un espion), il est possible de téléphoner pour que la navette nous y ramasse.
Chaque autobus est par ailleurs équipé de supports à vélos, ce qui permet de faire des parties du trajet en transport en commun et d’autres à vélo.
Le plus grand défi de ce système de transport, selon la directrice ? Trouver une manière de faire cohabiter deux clientèles avec des besoins différents. Il est certain que les 60 000 visiteurs qui viennent passer des vacances entre mai et juin n’ont pas les mêmes besoins que les travailleurs ou les étudiants, pendant l’année scolaire.
« Nous cherchons la manière de rendre le service le plus optimal possible. Nous n’y sommes pas encore, mais j’ai bon espoir que d’ici deux ans, nous arriverons à trouver un système qui conviendra aux deux clientèles. »
Pour ma part, je ne suis pas parvenue à trouver un moment pour tester RÉGÎM pendant mon séjour éclair, les départs étant trop tôt en matinée alors que je me trouvais à Grande-Entrée, partie du voyage où mon programme était moins chargé. À la lumière de ma discussion avec Marie-Josée Pichette, j’espère avoir l’occasion de passer un peu plus de temps sur place la prochaine fois afin de pouvoir planifier certains déplacements en fonction des horaires de la navette. Espérons que la fréquence des départs augmentera et que de plus en plus d’adeptes pourront en profiter !
LES VISITES GUIDÉES
La touriste assumée que je suis a-do-re les visites guidées (si si !). J’aime qu’on me raconte un endroit, autant par le truchement d’anecdotes qu’en relatant l’essentiel de l’Histoire avec un grand H.
Pendant notre séjour, nous avons testé deux formules qui peuvent avoir l’air à l’opposé, mais qui m’apparaissent plutôt complémentaires : l’une privée et personnalisée avec Visites guidées VIP, et une autre plus classique, avec Autobus Les Sillons.
L’avantage du premier est bien sûr qu’on peut moduler l’itinéraire selon nos envies. Notre guide de la journée, Stéphane Plante, vit aux Îles depuis 22 ans. Je lui avais lancé un défi un peu particulier : nous présenter ses endroits favoris, surtout ceux offrant des points de vues un peu différents de ceux auxquels on est habitués. Il nous a par exemple emmené de l’autre côté de La Grave.
Je n’ai pas non plus boudé mon plaisir et je suis montée, comme à chacune de mes visites, sur l’incontournable Butte des Demoiselles pour admirer le paysage. « Selon les intérêts des gens, on peut aussi faire la visite avec un spécialiste, dit-il, par exemple un conteur, un historien, un ornithologue ou même un pêcheur. » Il n’en fallait pas plus pour me donner envie de réitérer l’expérience avec chacun des personnages mentionnés !
Une publication partagée par Marie-Julie G / Taxi-Brousse (@technomade) le
Aucun commentaire