Fin 1999. Je suis en stage à Ouagadougou, au Burkina Faso, afin d’apprendre les rudiments du vidéoreportage. Mes meilleurs amis sont tous partis ou en train de préparer de longs séjours à l’étranger : Jef se trouve à Tokyo et Sylvie et Josiane bourlinguent en Australie. Étant obsédée par la carrière depuis mon plus jeune âge, mon expérience de voyage est assez limitée, à cette époque. Je m’éclate plutôt à faire des reportage à l’émission Le Petit Journal, diffusée à TQS, RDI et TV5 et je suis journaliste à la pige pour de nombreux magazines et journaux.
Après mon stage, on me fait quelques propositions, notamment celle d’aller réaliser des vidéoreportages pour la télévision d’État en Saskatchewan. Je multiplie plutôt les projets télévisuels à Montréal et je file étudier l’anglais à Vancouver pendant un mois. Après Le Petit Journal et Double Clic (énième émission consacrée aux nouvelles technologies au début des années 2000 – celle-ci, à TQS), on m’embauche à La Revanche des NerdZ, à Canal Z. J’y trouve un cadre stimulant et m’y fais des amis précieux, mais le désir de voyage se fait de plus en plus pressant. C’est alors que je décide d’aller à mon tour vivre en Australie avec un Visa Vacances-Travail. Sauf que…
J’ai d’abord envie de vacances. Dès la fin de mon contrat, j’achète un billet d’avion pour la Thaïlande, avec escale à Tokyo (coucou Jef !). La mégapole japonaise sera mon premier contact avec l’Asie. Méga-coup de foudre. Je me sens toute de suite bien dans l’effervescence de cette ville qui me ressemble. Trois jours plus tard, je me retrouve seule en Thaïlande, puis à Singapour… Pendant mes cinq semaines de voyage, je vois mes maigres économies fondre comme neige au soleil. Le projet « Australie » commence à m’angoisser, le coût de la vie y étant beaucoup plus élevé qu’en Asie du Sud-est.
Au détour des rencontres, j’ai retenu quelques filons, dont celui d’aller enseigner en Asie. À peine rentrée au bercail, je pousse les recherches sur le sujet, même si mon niveau d’anglais est loin d’être au top. Il me suffit de quelques clics pour tomber sur une agence de recrutement de profs à Taïwan. Un coup de fil plus tard et je suis embauchée. (Pour ceux que ça intéresse, la suite est dans mon récit Cartes postales d’Asie). L’Australie ? J’irai bien un jour…
Ce jour était le mois dernier.
Vingt ans plus tard
À l’invitation de Tourism Australia, je me rends à Melbourne, Adélaïde et Kangaroo Islands pour une série de chroniques et de reportages. Je passe ensuite deux jours à Jervis Bay avec mon amie Daphné, rencontrée à Vancouver en 2000, et son amoureux, puis une semaine à Sydney et dans les Blue Mountains grâce à Visit New South Wales. À l’occasion du 90e anniversaire du mythique train The Ghan, qui traverse le pays du nord au sud (ou l’inverse), j’ai la chance de prendre part à cette traversée de quatre jours et trois nuits.
Au-delà des images de cartes postales, vous dire à quel point ce voyage m’a chamboulée ! Une sorte d’allers-retours perpétuels entre la fille de 25 ans que j’étais et celle de 44 que je suis aujourd’hui. Entre mes rêves de jadis, ceux d’aujourd’hui et tous ceux qui sont devenus réalités entre les deux.
L’Australie m’a permis de mesurer le temps qui passe. Les vingt dernières années ont été riches en projets et en rencontres. Ma parenthèse taïwanaise m’a donné l’opportunité d’explorer un peu plus en profondeur une culture, mais surtout de rencontrer celui avec qui je partage toujours ma vie avec grand bonheur, 18 ans plus tard. La plus belle « conséquence » de ces mois d’exil reste sans doute la naissance de notre fille, près de cinq ans après notre rencontre. Je sais aussi que ces 15 mois ont profondément transformé ma vision du monde et mon rapport avec ma propre culture. Je travaille d’ailleurs en ce moment sur un livre lié à cette réflexion (je vous en reparle bientôt !).
Et si ?…
Un jour, alors que je suivais aveuglément Google Maps pour me rendre à l’Art Gallery of New South Wales, où j’avais rendez-vous avec la directrice de la collection d’art aborigène, je lève les yeux quand le point bleu rejoint l’épingle sur la carte et je vois : « Heaven & Art in Chinese art – Treasures from the National Palace Museum Taipei » sur une affiche. J’apprends plus tard que c’est la première fois qu’une expo du musée taïwanais est présentée dans l’hémisphère sud. Le genre de clin d’oeil qui m’accroche un sourire au visage. La rencontre de deux destinations qui ont, chacune à leur manière, été des phares à une époque charnière de ma vie.
Quand je suis débarquée à Sydney, une évidence s’est rapidement imposée : si j’étais venue ici comme prévu en 2001, je ne serais jamais repartie. Comment ne pas tomber sous le charme d’une ville bordées de plages magnifiques et remplie de gens ouverts et accessibles ? Sans oublier la proximité des Blue Mountains, qui m’ont complètement envoûtée !
Je reste toutefois persuadée que les chemins de traverse empruntés étaient les meilleurs pour moi. Aller vivre en Asie m’apparaît encore aujourd’hui comme la meilleure décision que j’ai prise. J’aurais sans doute pensé la même chose si j’avais fait d’autres choix, remarquez, puisque j’étais dans une sorte de quête au moment où je suis partie. J’aurais trouvé les réponses que je cherchais d’une manière ou d’une autre. Je ressentais ce besoin viscéral de voir le monde sous différents éclairages. Je le ressens encore, mais je me vois lentement basculer vers d’autres quêtes, celle de l’équilibre, notamment (que je me serais trouvée ennuyante à 25 ans ! :-D). L’écriture reprend aussi sa place parmi mes priorités.
Oui, l’Australie a été plus qu’à la hauteur de mes espérances. Je n’y suis restée qu’un tout petit mois – ce qui était déjà ÉNORME, considérant que je voyageais sans ma famille -, mais il m’a suffit pour tomber amoureuse de ce pays-continent qui ne se résume pas qu’à ses kangourous et ses « no worries ».
Ce que ce voyage m’a apporté, au-delà de l’émerveillement perpétuel, est un recul nécessaire après des années de mouvement. Ce voyage avait à la fois des airs de nostalgie de ce qui aurait pu être et de tout ce qui a été. La confirmation, une fois de plus, que j’ai bien fait de choisir le voyage avant la carrière et de le laisser devenir le fil conducteur de la suite des choses. Que chacun de mes voyages m’a offert beaucoup plus que n’importe quel contrat prestigieux que j’aurais pu décrocher si je n’étais pas partie au moment où ma carrière télévisuelle était en plein envol. Que chacune des contrées visitées a semé en moi une foule d’idées et de questions, me poussant chaque fois à aller plus loin. J’ai tellement appris sur la route, et je continue tellement d’apprendre…
Bien sûr, j’ai aussi mille et une observations sur le pays lui-même. Si ça vous intéresse, voici les premiers textes publiés sur Avenues.ca. Il y en aura d’autres, dans différents médias, au cours des prochains mois…
Melbourne, si loin, si proche
À la recherche des kangourous
Bleu comme les montagnes
Australie : de Darwin à Adélaïde en train
Avez-vous eu, comme moi, des rendez-vous manqués avec certains destinations ? Si c’est le cas, je vous souhaite d’avoir l’occasion de passer enfin du rêve à la réalité vous aussi !

À Bondi Beach
14 Commentaires
Quel beau parcours, Marie-Julie <3<3<3…….
Merci!
Très beau texte! Bravo! Pour ma part, j’ai souhaité depuis toute jeune de visiter l’Angleterre. Je n’y suis pas encore allée et j’approche de 40 ans… Je prends mon mal en patience comme on dit! Par contre, j’ai pas mal voyagé dans ma vingtaine. Entre autres, j’ai été fille au pair en Norvège pendant 15 mois en 2002-2003. J’ai eu un énorme coup de cœur pour le pays et les habitants. Comme j’habitais et travaillais dans une famille, celle-ci est devenue la mienne. Lorsque mon contrat de 15 mois s’est terminé, ils m’ont offert de renouveler pour une autre année. Comme vous pour l’Australie, si j’avais accepté cette offre, je ne serais jamais revenue au Québec. Des années plus tard, j’y ai amené mon mari qui lui aussi a eu le même sentiment d’être “à la maison” dans cette région du nord. La vie est remplie de possibilités et parfois, nous faisons des choix pour être près des gens qui en ont besoin (nos familles qui vieillissent par exemple). Ce sont des choix déchirants. Mais il y a toujours les voyages pour retourner dans des endroits qu’on aime et revoir des gens importants pour nous.
Merci! Les voyages les plus marquants sont souvent ceux pour lesquels on a le moins d’attente. C’est probablement ce qui m’a prise par surprise: j’avais si peur d’être déçue que je m’étais résignée à l’être un peu. Ce fut tout le contraire… Je vous souhaite d’aller enfin en Angleterre!
Ah les hasards de la vie, les chemins qui changent, se coupent et s’entremêlent. Ceux que l’on arpente, ceux qu’on refuse d’escalader et ceux qui réitèrent invariablement leur invitation dans l’attente du bon moment. Belle histoire que la tienne, merci de nous la partager.
Merci d’être là!
Mais que j’adore ton article !


C’est le genre d’histoire qui me fait vibrer 
Si j’ai suivi avec autant de plaisir ton voyage en Australie, au-delà du fait que c’est une destination qui me fait rêver, c’est pour ton histoire avec ce pays continent. Ce rdv manqué, ce détour de quelques années qui t’à tant apporté
Moi aussi… J’aime les voyages qui vont au-delà de la destination.
Merci!
Ça faisait longtemps que je n’avais pas été autant inspiré par un article. Merci.
Merci. C’est vraiment gentil de prendre la peine de l’écrire.
C’est beau
Et tout pareil, qu’aurait-on fait sans l’Asie?
Un gros hug de Berlin!
Curieusement je n’ai pas (ou plus?) de rendez-vous manqués. Il me reste beaucoup de rêves, mais tu me fais réaliser que je n’ai plus cette drôle de fièvre à les réaliser (et que je me remets à lire, doucement
Merci! Moi, j’ai encore plein de rendez-vous manqués à rattraper! La Birmanie, où je devais me rendre en 2001, le Vietnam et le Laos, au sommet de ma liste depuis plus de 20 ans… Il y a aussi toutes ces destinations auxquelles j’ai tant rêvé, enfant et ado, qu’on dirait que je n’ai plus vraiment besoin de voir s’ancrer dans le réel, comme le Pérou et le Guatemala. De toute façon, j’ai tellement vu le Machu Picchu sur les réseaux sociaux…
Et puis, il y a ces lieux où la sécurité reste une préoccupation. J’avais prévu aller au pays Dogon en 1999, puis, comme tout était trop compliqué, je m’étais dit: «je reviendrai»… Disons que je le regrette amèrement aujourd’hui!
Très bon texte, très personnel. Je l’avais manqué, je crois que j’étais….en Australie ! Toujours un plaisir de te lire et de te suivre!
[…] Mon séjour d’un mois en Australie m’a, à l’opposé, complètement chamboulée. J’avais un rendez-vous manqué avec ce pays, comme je l’ai raconté dans ce billet. J’aurais pu être déçue, là aussi, mais au contraire, j’ai été envoutée. J’ai compris à quel point les longs séjours me manquent, aussi. […]